L'article 52, §2 de l'arrêté royal du 15 juillet 2011 sur la passation des marchés publics dans les secteurs classiques établit que chaque offre doit être remise par écrit et signée par la ou les personne(s) compétente(s) ou habilitée(s) à engager le soumissionnaire.
Si l'offre est déposée par un groupement sans personnalité juridique (combinaison / consortium), tous les participants à cette offre conjointe doivent la signer.
Sitôt engagés par leur signature, ils deviennent solidairement responsables (voir l'article 1200 du Code civil) et doivent désigner le participant qui représentera le groupement à l'égard du pouvoir adjudicateur.
Cette dernière disposition a été annulée le 22 octobre 2013 par le Conseil d’État, section du contentieux administratif (arrêt numéro 225.191, publié au Moniteur Belge le 6 novembre 2013), pour autant qu'une responsabilité solidaire soit imposée aux entrepreneurs et architectes relevant du même groupement. C'est par exemple le cas lors d'un concours pour travaux, mais également pour d'autres marchés publics dans lesquels le concept et l'exécution des travaux (design&build) sont introduits conjointement, entre autres pour la promotion de travaux ou projets DBFM(O).
Selon le Conseil d'État, répondant à la requête émanant notamment de la Fédération Royale des Sociétés d'Architectes de Belgique, cette responsabilité solidaire viole l'article 6 de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et la profession d'architecte, qui introduit l'incompatibilité de la profession d'architecte avec celle d'entrepreneur (de travaux). Autrement dit, l'architecte doit demeurer (juridiquement) indépendant de l'entrepreneur soumis à son contrôle. Cette disposition de loi est d’ordre public.
Le Conseil d'État rappelle que par cette obligation d'incompatibilité, le législateur a voulu, dans l'intérêt général, celui du maître d'ouvrage et de l'architecte, dissocier d'une part la conception et le contrôle des travaux, d'autre part leur exécution, étant donné qu'un contrôle objectif deviendrait impossible si l'architecte concerné était en même temps entrepreneur, ou à tout le moins lié à l'entrepreneur qu'il est censé contrôler. Le fait que chez l'architecte tenu solidairement responsable, la responsabilité solidaire soit toujours imposée non pas en nature, mais bien en équivalence (indemnités de préjudice), n'y change rien, estime le Conseil d'État. En effet, il subsiste une confusion entre le contrôle de l'exécution (incorrecte) des travaux et leur exécution concrète (exécution incorrecte). Cela nuit sérieusement à l'indépendance de l'architecte, a déclaré le Conseil d'État.
Le Conseil d'État avait préalablement admis que les requérants évoquent un intérêt suffisant pour la requête en nullité, étant donné que selon le Conseil d'État, l'article 52, §2 de l'arrêté royal sur la passation des marchés publics limitait la liberté contractuelle de l'architecte, par le fait que l'article 6 précité de la loi du 20 février 1939 lui interdise de rejoindre un entrepreneur dans un groupement.
L'article 52, §2 de l'arrêté royal sur la passation des marchés publics demeure en vigueur dans tous les autres cas, par exemple lors d'un groupement soit de plusieurs entrepreneurs, soit de plusieurs architectes.
Bien que cela ne soit pas l'objectif de la procédure précitée, on peut estimer que l'article 56, §2 de l'arrêté royal du 16 juillet 2012 sur la passation des marchés publics dans les secteurs spéciaux, formulant presque mot à mot la disposition annulée, sera soumis à une critique identique.
Cet arrêt d'annulation du Conseil d'État met donc un terme à la difficulté pratique des consortiums concernés, entre autres pour la promotion des travaux ou projets DBFM(O), de donner forme à une collaboration entre promoteurs ou développeurs, entrepreneurs et architectes, par exemple en prenant en sous-traitance l'architecte (ou l'entrepreneur). Cette solution demeure possible, étant donné que l'architecte peut intégrer un groupement, sans être considéré comme solidairement responsable de l'exécution des engagements pris par ce groupement, et en particulier pour l'exécution des travaux.