Enjeux et contours de cette responsabilité
La responsabilité décennale – parfois appelée improprement garantie décennale – constitue souvent l’un des enjeux majeurs des litiges en matière de construction.
S’agissant de questions qui touchent la sécurité publique, le législateur a en effet prévu un régime juridique strict et renforcé, auquel les parties ne peuvent déroger, pour les vices graves susceptibles de mettre en péril la solidité ou la stabilité du bâtiment ou de l’une de ses parties maîtresses.
Le maître de l’ouvrage peut ainsi rechercher la responsabilité des constructeurs pendant une durée de 10 ans à dater de la réception-agréation s’il peut démontrer que la faute commise par le(s) constructeur(s) a généré un vice grave susceptible de mener à la ruine du bâtiment, fût-ce à terme.
Pour entraîner la responsabilité décennale, le vice doit être de nature à menacer la solidité ou la stabilité du bâtiment
La Cour de Cassation a, dans un arrêt récent de janvier 2017, rappelé l’obligation d’apprécier de manière stricte les conditions pour pouvoir rechercher la responsabilité décennale des constructeurs.
Ainsi, le fait qu’un vice soit généralisé à l’ensemble d’un bâtiment ne suffit pas à engager la responsabilité des professionnels de la construction… Encore faut-il démontrer que ce vice est susceptible de menacer la stabilité du bâtiment.
La Cour de cassation a très justement rappelé que « Les juges d’appel, qui ont déduit de la seule circonstance que le décollement des dalles s’est produit presque partout dans le bâtiment, qu’il s’agissait d’un vice affectant la stabilité du bâtiment, n’ont pas légalement justifié leur décision. »
En d’autres termes, un décollement du carrelage, même généralisé à l’ensemble d’un bâtiment n’est pas nécessairement de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs. Il appartient encore à la partie demanderesse de démontrer que ce vice est de nature à porter atteinte à la stabilité du bâtiment.
L'auteur :
Eve Michel
e.michel@lexing.be