Notre vie quotidienne sans internet serait inconcevable. Cet outil est devenu indispensable tant dans la vie professionnelle que dans la sphère privée. A ce titre, internet est aujourd'hui un des canaux privilégiés des consommateurs pour effectuer leurs achats. Il était donc logique que le législateur s'intéresse à la distribution par internet, et notamment aux questions de droit de la concurrence soulevées par celle-ci.
Les relations contractuelles entre fournisseurs et distributeurs, en ce compris la distribution par internet sont soumises au droit de la concurrence. Dans ses nouvelles lignes directrices sur les accords entre fournisseurs et distributeurs (définis en droit de la concurrence comme « accords verticaux »), la Commission européenne a voué une attention particulière aux ventes par internet. La Commission européenne perçoit ce nouveau canal de distribution comme un moyen idéal d'approfondir l'intégration du marché unique, qui constitue l'un des objectifs fondamentaux de la politique européenne. De surcroît, la Commission voit dans la distribution par internet une possibilité d'étendre l'offre et d'augmenter le nombre et la variété des clients. Dans cette optique, la Commission pose comme principe que la distribution par internet et l'utilisation de l'internet par les distributeurs ne peuvent être limitées par les fournisseurs que dans des cas exceptionnels. Les fournisseurs sont pourtant loin de partager l'enthousiasme de la Commission à l'égard de la distribution en ligne et d'aucuns souhaiteraient pouvoir mieux encadrer, limiter ou même exclure la possibilité pour leurs distributeurs de vendre par ce biais. Les lignes directrices sur les accords verticaux abordent les restrictions souhaitées par les fournisseurs et donnent des orientations pour apprécier leur validité sous l'angle du droit de la concurrence.
Compte tenu de l'importance de la distribution en ligne, la Commission pose comme principe que tout distributeur doit être autorisé à utiliser ce canal pour vendre ses produits. Une interdiction de vente en ligne ne doit être imposée qu'à titre exceptionnel, lorsque des circonstances objectives le justifient, par exemple en cas de vente de substances dangereuses pour des raisons de sécurité ou de santé. Cette approche restrictive de la Commission vis-à-vis des interdictions de ventes en ligne fait actuellement l'objet d'une contestation devant la Cour de Justice de l'Union européenne. On saura dans les prochains mois si la Cour valide cette approche restrictive.
Outre l'interdiction totale de distribution par internet, la Commission examine dans ses lignes directrices d'autres restrictions à la distribution par internet qu'elle considère problématiques dans certaines circonstances.
Une première catégorie de restrictions concerne les systèmes de distribution dans lesquels un fournisseur accorde à chacun de ses distributeurs un territoire déterminé. Dans un tel système de distribution, sont considérées comme problématiques les délimitations absolues des territoires entre les distributeurs actifs en ligne. Ainsi, pour la Commission, un fournisseur ne peut imposer que, lorsque les clients situés sur le territoire attribué à un distributeur consultent le site d'un autre distributeur, ils soient automatiquement renvoyés vers le site du distributeur de leur territoire. Il en va de même pour un système de paiement qui bloque une opération de vente lorsque les données de la carte de crédit du client révèlent qu'il n'est pas établi sur le territoire du distributeur.
La Commission accepte toutefois que la distribution en ligne fasse l'objet d'un certain encadrement, comme l'obligation imposée aux distributeurs de présenter sur leur site des liens vers les sites d'autres distributeurs. La Commission permet également qu'un fournisseur interdise la publicité en ligne spécifiquement adressée aux clients du territoire attribué à un autre distributeur. Un fournisseur pourra ainsi interdire qu'un distributeur passe un contrat avec un moteur de recherche afin d'afficher une annonce spécifiquement destinée aux utilisateurs établis sur un territoire particulier.
Deuxièmement, le fournisseur doit s'abstenir de toute mesure visant à décourager ses distributeurs de vendre par internet. Le fournisseur ne peut ainsi limiter la part des ventes du distributeur réalisée par internet. De plus, le fournisseur ne peut demander un prix plus élevé pour des produits destinés à être revendus par internet, sauf si cette différence de prix est objectivement justifiée. Néanmoins, afin d'assurer le bon fonctionnement des points de vente physiques, les fournisseurs peuvent exiger qu'une quantité minimale de produits soit vendue hors ligne ou accorder à leurs distributeurs une redevance fixe afin de soutenir leurs efforts de vente hors ligne.
Enfin, il est permis au fournisseur d'imposer des normes de qualité pour le site internet sur lequel ses produits sont vendus. De telles normes de qualité sont particulièrement importantes dans le cadre d'un système de distribution sélective. Dans le cadre d'un système de distribution sélective, le fournisseur s'engage à ne vendre ses produits qu'à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères prédéterminés. Ainsi, le fournisseur peut soumettre l'accès à son réseau de distribution sélective à la condition que les distributeurs disposent d'un point de vente physique. Un fournisseur peut en outre imposer aux distributeurs des normes pour l'utilisation d'internet. Celles-ci doivent toutefois être équivalentes à celles imposées pour la distribution dans un point de vente physique. Ceci n'implique pas que les conditions imposées soient identiques, mais elles doivent viser les mêmes objectifs et aboutir à des résultats comparables. Ainsi, un fournisseur peut imposer pour les ventes en ligne certains délais de livraison ou l'obligation d'organiser un service d'aide après-vente en ligne.
La Commission européenne poursuit donc une politique favorable à la distribution en ligne, en limitant le plus possible les possibilités pour les fournisseurs de restreindre ou d'exclure cette canal de distribution. L'encadrement de la distribution en ligne est devenue une question très complexe en droit de la concurrence, en sorte que les fournisseurs et les distributeurs devront agir avec la plus grande prudence à cet égard.