La présente contribution a pour objet l'examen de la nouvelle version de l'Exit Tax réinstaurée en France dans le Code Général des Impôts, à l'article 167 et plus particulièrement sa conformité avec les libertés consacrées par le droit de l'Union européenne ainsi qu'avec les conventions fiscales internationales auxquelles la France est partie.
Pour mémoire, l'ancien dispositif antérieurement prévu à l'article 167bis du Code Général des Impôts de 19991 à 2004 a été supprimé par la loi du 30 décembre 2004 à dater du 1er janvier 20052 suite à la décision de la CJUE déclarant cette taxe incompatible avec la liberté d'établissement consacrée par le droit européen.
De ce fait, une attention particulière semble avoir été portée à la comptabilité de cette nouvelle version de l'Exit Tax avec les libertés de circulation consacrées par le droit européen mais aussi à sa comptabilité avec les conventions fiscales internationales auxquelles la France est partie même si un doute subsiste quant à l'effectivité de ce nouveau dispositif.
1.- Après plusieurs mois de débats, la France, s'inspirant des modèles allemand et britannique, a remis au goût du jour l'Exit Tax. En effet, l'article 48 de la loi de finance rectificative pour 2011, promulguée le 29 juillet dernier a instauré une nouvelle version de cette taxe qui a été intégrée dans le nouvel article 167 du Code général des Impôts (« CGI »). Cet article prévoit l'imposition des plus-values latentes sur les droits sociaux et valeurs mobilières détenues par les contribuables résidant en France qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France (mais ce transfert est réputé intervenir le jour précédant celui à compter duquel ce contribuable cesse d'être soumis en France à une obligation fiscale sur l'ensemble de ces revenus).
La taxe d'un taux de 19% est due sur la plus-value latente constatée au moment du transfert hors de France du domicile fiscal du contribuable. Il s'agit donc d'une « Taxe à la sortie » qui a pour effet immédiat de priver les exilés du bénéfice fiscal de leur expatriation.
Par conséquent, les contribuables domiciliés en France pendant au moins six des dix dernières années précédant le transfert hors de France de leur domicile fiscal, qui ont quitté le territoire français depuis le 3 mars 2011 et qui détiennent 1% du capital d'une société soumise à l'impôt (contre 25% de l'ancien dispositif) ou une participation d'une valeur supérieure à 1,3 millions d'euros seront imposables sur les plus-values latentes au moment du transfert de leur domicile hors de France et pendants les 8 années suivant ce départ en cas de vente, annulation, rachat et donation desdits titres.
2.- Toutefois, à la différence de l'ancien article 167bis du CGI, la taxe n'est pas due au moment du transfert de résidence dans un pays de l'Union Européenne (UE), de l'Espace Economique Européen (EEE) ou encore dans un Etat ayant conclu avec la France une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement, mais uniquement lors de la cession de ces valeurs mobilières (régime spécial).
Par contre, dans l'hypothèse d'un transfert de résidence hors d'un Etat membre de UE, de l'EEE, ou d'un Etat ayant conclu une convention d'assistance avec la France, la taxe ne sera exigible que lors du départ hors de France, ce dernier constituant dès lors le fait générateur de l'impôt (régime général).
3.- Jusqu'à l'adoption de cette récente loi et depuis le 1er janvier 2005, les plus values de cession de valeurs mobilières étaient exonérées en France pour être taxées dans le pays de résidence. La Belgique n'imposant pas les plus values de cession de valeurs mobilières, bon nombre de français s'exilaient dans ce pays après avoir vendu leurs actions pour ensuite revenir en France sans être imposés.
Le Gouvernement français a voulu remédier à ces départs en remettant au goût du jour une nouvelle version de l'Exit Tax applicable rétroactivement au 3 mars 2011( date de la divulgation du projet) dont sa version antérieure avait été condamnée par la Cour de Justice de l'Union européenne ( « CJUE ») dans son célèbre arrêt De Lasteyrie du Saillant du 11 mars 20043. Les juges luxembourgeois avaient considéré que le dispositif antérieur prévu à l'article 167bis CGI portait une atteinte disproportionnée à l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale menée par le Gouvernement et était de ce fait contraire à la liberté d'établissement.
4.- Malgré le fait que l'ancienne monture de l'Exit Tax ait été déclarée par la CJUE incompatible avec le droit européen car contraire au principe de la liberté d'établissement, la France a souhaité réinstaurer l'Exit Tax.
L'Exit Tax existe d'ailleurs presque partout dans le monde et y compris en Europe (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suisse, Suède, Norvège, Espagne, Etats-Unis, etc.).
L'objectif du gouvernement français est clair : la lutte contre l'évasion fiscale internationale par l'instauration d'une nouvelle génération de l'Exit tax poursuivant les mêmes finalités que l'ancienne taxe mais avec une attention particulière portée à la comptabilité avec les libertés de circulation et d'établissement consacrées par le droit européen.
En effet, conscient qu'une imposition des plus-values latentes constatées lors du changement de résidence fiscale du contribuable vers un autre pays membre de l'UE, de l'EEE, ou ayant conclu un accord avec la France est contraire au principe de liberté d'établissement consacrée par le droit européen, le nouvel impôt est donc exigible au jour où le contribuable cèdera ses actifs (changement du fait générateur).
Autrement dit, dans ce cas, le fait générateur n'est plus le transfert du domicile fiscal mais la cession, la donation, le rachat, le remboursement ou l'annulation de droits sociaux ou de valeurs mobilières sur lesquels ont été constatées des plus-values latentes dans un délai de 8 ans.
A cet égard, dans ce même souci de conformité au droit européen, un sursis au paiement automatique et sans constitution de garanties préalables conformément aux exigences européennes a été introduit.
5.- Toutefois, au-delà du respect des impératifs européens, l'Exit Tax ne semble pas compatibles avec ses nombreuses conventions fiscales internationales (120) auxquelles elle est partie qui prévoit une taxation des plus-values dans l'Etat de résidence du cédant. Dans la mesure où ces conventions priment le droit national, l'Exit Tax n'aura qu'une portée limitée et l'objectif recherché par la France de lutter contre l'évasion fiscale risque d'être mis à mal par ces conventions qu'elle a elle-même signées. Par conséquent, c'est l'effectivité du nouveau dispositif qui se retrouvera compromis sauf si la France décide de renégocier ces conventions ce qui semble peu réalisable en pratique. Cette nouvelle mesure aura donc une portée limitée, voire réduite et sera très difficile à mettre en œuvre.
De plus, l'Exit Tax français n'est pas à l'abri d'embûches sur le plan européen à l'instar d'autres Etats européens qui font actuellement l'objet d'actions de la Commission comme c'est le cas en Espagne, Portugal, Danemark, Suède (où l'action a déjà abouti à une modification législative di dispositif d'Exit Tax). Même au sein de l'AELE, une action de l'autorité de surveillance (l'EFTA Surveillance Authority) vise l'Exit Tax norvégienne.
Par conséquent, la question sur sa comptabilité avec les libertés consacrées par le droit européen et avec les conventions fiscales internationales est donc pendante et reste sujet à discussions même s'il semblerait que l'Exit Tax nouvelle génération serait cette fois-ci euro-compatible et conforme aux conventions fiscales internationales selon le Gouvernement français confiant en sa nouvelle version.
(1) Article 24 de la loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 portant loi de finances pour 1999.
(2) Article 19 de la loi 2004-1484 de finances pour 2005 du 30 décembre 2004 (3)CJUE, 11 mars 2004, aff. C-9/02, Hughes de Lasteyrie du Saillant c/Ministère de l'Economie, des Finances et de l'industrie.