Imaginez…
Un matin, la réception vous appelle : « Il y a des fonctionnaires à la réception pour une inspection ». Vous êtes conseiller juridique et vous vous précipitez pour les accueillir. Ils se présentent comme des fonctionnaires de la Commission européenne et vous remettent un mandat d’inspection. Celui-ci concerne des accords illégaux de fixation des prix que votre entreprise aurait conclus avec des concurrents sur plusieurs produits.
Vous vous inquiétez. Récemment, vous avez demandé conseil à vos avocats externes sur ces pratiques et vous en avez également discuté en interne avec votre direction.
Les inspecteurs commencent immédiatement. Les avocats externes sont appelés et une réunion de crise avec la direction s’ensuit. L’une des premières questions est de savoir si les inspecteurs peuvent également copier les documents concernant la fixation des prix.
Quelques précisions.
Les autorités de la concurrence ont le droit de saisir des documents pertinents pour leur enquête lors d’une inspection. Cela ne s’applique pas aux documents protégés par le Legal Professional Privilege (LPP ; secret professionel), qui garantit la confidentialité des échanges entre les avocats et leurs clients.
Au niveau européen, le LPP s’applique aux échanges d’informations entre les clients et tous les avocats qualifiés au sein de l’Espace économique européen (qui comprend les États membres de l’Union européenne, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège).
Le LPP s’applique à toutes les communications entre avocats et leurs clients. Autrement dit, il ne concerne pas seulement les activités liées à la défense des clients, mais aussi les conseils juridiques. Cela inclut des avis, des courriers, des e-mails, des notes personnelles des clients à leurs avocats et des notes des avocats eux-mêmes. Les entreprises peuvent donc demander des conseils juridiques à leurs avocats externes sur la conformité de certaines pratiques avec le droit de la concurrence, en ayant la certitude que ces conseils ne seront pas saisis par les autorités de la concurrence.
Dans certains pays, comme la Belgique, la Grèce, les Pays-Bas et l’Espagne, les avis du juriste d'entreprise sont également protégés à des degrés divers. En Belgique, le LPP s’applique aux avis internes des juristes d’entreprise à leur employeur (y compris la correspondance interne, les projets et les avis finaux) à condition que le juriste d’entreprise soit membre de l’Institut des juristes d’entreprise. Si l’avis est partagé en dehors de l’entreprise, la protection tombe.
Comment une entreprise peut-elle s’assurer que le LPP est respecté ?
Les inspecteurs peuvent en principe vérifier eux-mêmes si les documents collectés sont couverts par le LPP. Si c’est le cas, ils ne peuvent pas les examiner davantage ni les emporter. Il est donc important de suivre les inspecteurs pendant une inspection pour s’assurer qu’ils ne prennent pas connaissance de documents protégés par le LPP.
Les discussions sur la couverture d’un document par le LPP sont généralement résolues pendant l’inspection. Si ce n’est pas le cas, les documents doivent être mis sous enveloppe scellée en vue d’une évaluation ultérieure de la confidentialité. L’autorité de la concurrence peut emporter l’enveloppe scellée pour l’ouvrir dans ses locaux en présence de représentants de l’entreprise. Elle peut également demander à l’entreprise de conserver l’enveloppe scellée en lieu sûr dans ses locaux, afin de poursuivre son enquête lors d’une nouvelle visite annoncée.
Les discussions sur la couverture d’un document particulier par le LPP peuvent souvent être évitées en indiquant de manière proactive sur les documents qu’ils sont protégés par le secret professionnel. En anglais, on voit souvent la mention « privileged and confidential ». Cette mention ne garantit pas que l’autorité de la concurrence acceptera automatiquement la couverture par le LPP des documents concernés, mais elle est très utile comme premier critère (souvent décisif) pour identifier les documents pertinents et les exclure de l’enquête.
Concrètement.
- Les documents couverts par le Legal Professional Privilege (LPP), c’est-à-dire le secret professionnel, ne peuvent pas être emportés par l’autorité de la concurrence lors d’une inspection ni utilisés dans une enquête.
- Le LPP est seulement partiellement harmonisé dans l’UE : toute communication, quelle que soit sa forme, entre avocats et leurs clients dans le cadre de l’activité professionnelle des avocats est protégée par le secret professionnel. Ce n’est pas toujours le cas pour les avis des juristes d’entreprise. Dans certains États membres, le LPP s’applique aux correspondances internes et aux avis des juristes d’entreprise, en Belgique s’ils sont membre de l’Institut des juristes d’entreprise.
- Les discussions sur le LPP sont généralement résolues pendant l’inspection. Si ce n’est pas le cas, demandez à mettre le document sous enveloppe scellée pour une évaluation ultérieure de la confidentialité.
- Indiquez de manière proactive qu’un document est couvert par le LPP autant que possible. Cela est souvent fait pour la correspondance avec des avocats externes, mais beaucoup moins dans le cas de la correspondance et des avis des juristes d’entreprise.
Plus d’infos?
- La Note explicative de la Commission européenne concernant les inspections menées par la Commission, est disponible ici.
- Les Lignes directrices de l’Autorité belge de la Concurrence dans le cadre des procédures de perquisition, sont disponible ici.
- La Loi du 1er mars 2000 créant un Institut des juristes d'entreprise, est disponible ici.
- L’arrêt de la Cour de Justice reprenant l’état des lieux actuel de l’étendue du LPP, est disponible ici.
- Lisez notre ITP sur les perquisitions, ou contactez notre équipe de conformité via compliance@contrast.law.