07/04/15

Les clauses de non-concurrence persistent en Belgique

La cour de Cassation belge autorise le juge à modérer les effets d'une clause de non-concurrence qui est contraire à l'ordre public, de sorte qu'elle ne doit plus automatiquement être déclarée nulle. La condition est que ceci soit permis par le contrat.

L'imposition d'une interdiction de concurrence à un cocontractant en vertu d'accords de coopération commerciale, contrats de gestion, contrats d'acquisition et autres, est un élément important pour la protection du savoir-faire et de la clientèle, ou d'un investissement. La limitation contractuelle de la concurrence fait donc régulièrement l'objet d'âpres négociations.

La clause de non-concurrence est toujours l'un des mécanismes privilégiés pour protéger le savoir-faire. Les options légales pour protéger le savoir-faire et la clientèle sont en effet très limitées. Si un certain savoir-faire ou des secrets commerciaux ne peuvent pas être protégés par des droits de propriété intellectuelle (tels que brevets, droit d'auteur et droit des dessins et modèles), la partie concernée doit être protégée par des accords de confidentialité et des clauses de non-concurrence.

Cependant, la discussion ne se limite pas aux négociations commerciales. La clause de non-concurrence pose également des questions juridiques.

Le principe général de l'économie de marché nous apprend que la liberté de commerce concerne l'ordre public. Ce principe était déjà établi dans le décret d'Allarde des 2-17 mars 1791, et a récemment été inclus dans les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique belge. Les écarts contractuels aux règles d'ordre public ne sont généralement pas autorisés.

La nécessité et la possibilité de restreindre le principe général de la liberté de la concurrence, a cependant été reconnu depuis de nombreuses années par la loi belge. Le bon fonctionnement du marché libre exige que des dérogations soient autorisées.

La réglementation légale des accords anti-concurrentiels est limitée aux dispositions dans le contexte du droit de la concurrence, du droit du travail et d'autres contrats spécifiquement réglementés (tels que le contrat d'agence commerciale).

Pour les restrictions contractuelles de concurrence dans les nombreux contrats qui ne sont pas expressément réglementés, la jurisprudence a établi des critères pour déterminer leur validité. Les clauses de non-concurrence ne sont valables que si elles sont assez limitées (i) dans le temps, (ii) dans l'espace et (iii) concernant l'activité. En outre, la partie en faveur de laquelle la clause est établie doit avoir un intérêt légitime et suffisant pour imposer la restriction.

L'examen détaillé de ces conditions donne, dans de nombreux cas, lieu à des discussions et est régulièrement soumis à l'appréciation des juges. Ces derniers font reposer leur évaluation "sur la base des circonstances particulières de l'affaire" ; il est donc généralement impossible de prédire la décision du tribunal. Assurer la sécurité juridique de la validité d'une telle clause est donc crucial, mais souvent impossible. Toutefois, cet examen est très important: si le tribunal conclut que les restrictions ne sont pas raisonnables (par exemple la durée de l'interdiction de la concurrence est trop longue), le tribunal doit déclarer la clause nulle. Traditionnellement, l'on considère en effet que le juge n'a pas la possibilité de modérer la clause de non-concurrence. Le juge doit en effet soit déclarer la clause valide, soit non valide.

La plus haute instance judiciaire de Belgique, la cour de Cassation, a rendu le 23 janvier 2015 une décision révolutionnaire quant aux conséquences du non-respect des conditions de validité. La cour a jugé que le juge pouvait déclarer partiellement nulle une clause de non-concurrence, et la restreindre dans les limites légalement autorisées. Le juge ne peut toutefois prononcer cette nullité partielle que si celle-ci répond à la volonté des parties.

Le tribunal peut, par exemple, s'il estime qu'une clause de non-concurrence n'est pas suffisamment limitée dans le temps, déterminer lui-même ce qui constituerait un délai raisonnable, et ainsi préserver l'effet de la non-concurrence, tout en la réduisant à un délai acceptable.

Ceci cependant à condition que les parties aient inclus dans leur contrat une clause indiquant que «si les dispositions contractuelles sont déclarées nulles ou non valides, ces dispositions demeurent néanmoins contraignantes pour la part qui est légalement autorisée».

Par le biais de cette décision, la plus haute juridiction belge met une fin à l'incertitude découlant du test du caractère raisonnable des conditions de validité des clauses de non-concurrence.
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