La délation se définit comme la « dénonciation mais toujours en mauvaise part » (Littré).
Les régimes totalitaires en raffolent, et les administrations fiscales aussi.
Mues par l'intérêt ou la vengeance, des personnes bien informées, le plus souvent des proches de la personne dénoncée, informent très fréquemment l'administration fiscale de faits de nature à lui permettre de réclamer des suppléments d'impôt à charge de leur victime.
L'administration fiscale belge ne rémunère pas de telles informations, mais elle les reçoit volontiers ... et les utilise. Une très ancienne circulaire prévoit que, lorsque les éléments d'une dénonciation sont pertinents, les fonctionnaires doivent les vérifier et, systématiquement, les exploiter. La circulaire prévoit même, en contradiction avec le principe constitutionnel d'accès par les citoyens à l'information de l'autorité, que, prétendument « afin d'assurer la concorde entre les citoyens » (sic), les dénonciations doivent être retirées des dossiers lorsque les contribuables demandent à en prendre connaissance, comme la loi le permet.
Le plus souvent, les délateurs prennent soin de joindre à leur dénonciation des pièces, aussi accablantes que possible, pour le contribuable. Il est d'ailleurs fréquent que de tels documents soient recueillis illégalement : détournements de documents par un ancien employé, vol pur et simple, enregistrements illégaux de conversations. Il va de soi que, lorsque le délateur commet à cette occasion une infraction pénale, il peut être poursuivi pour celle-ci, alors que la délation, en revanche, n'est pas sanctionnée comme telle.
Il arrive que les délateurs agissent par vengeance. D'autres le font par intérêt, et, souvent, procèdent d'abord à un chantage, plutôt que de recourir directement à la dénonciation.
Il s'agit alors d'un délit d'extorsion.
On s'intéresse en général moins à la situation juridique des personnes qui reçoivent les renseignements. Il est admis qu'il est inhérent à la fonction de policier de recevoir de telles dénonciations s'ils ne font rien pour susciter les infractions pénales qui accompagnent celles-ci.
Peut-on en revanche être certain, en droit, que des contrôleurs du fisc, qui ne sont pas chargés de la poursuite d'infractions pénales, agissent conformément à la loi lorsque, consciemment, ils reçoivent des documents qu'ils savent volés ?
Il est vrai que l'administration fiscale belge ne rétribue jamais de telles informations, mais, même en l'absence de rémunération, il reste constant que le fait de recevoir des biens que l'on sait provenir d'une infraction peut être qualifié de recel, et cela vaut tant pour des documents originaux, ou même des photocopies, que pour des biens de valeur.
Et la loi ne ¬prévoit aucune immunité pour les agents du fisc ...
Le plus grave est sans doute que, dans le climat actuel, les maîtres chanteurs, et autres délinquants cherchant à monnayer des informations confidentielles échappent régulièrement à toutes poursuites.
On se souviendra à ce propos que l'Allemagne, après avoir rétribué grassement un informateur au sujet de fondations du Liechtenstein sur lesquelles celui-ci s'était procuré des informations de manière illégale, a, par la suite, refusé toute entraide judiciaire au Liechtenstein, pays dans lequel, légitimement, des poursuites pénales ont été exercées contre cette personne.