A partir du 18 janvier 2017, il est possible de faire procéder à une saisie sur le(s) compte(s) bancaire(s) d’un débiteur dans un ou plusieurs autres états membre de l’Union européenne.
Cela est prévu par le Règlement (UE) N° 655/2014 du 15 mai 2014 portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, qui est entré en vigueur à partir du 18 janvier 2017.
1. L’intérêt de cette mesure
La saisie conservatoire est une saisie qui peut être réalisée avant le jugement définitif d’un tribunal au sujet d’une revendication. L’objectif est d’empêcher qu’un débiteur ne puisse vider son compte en banque avant qu’il ne soit obligé par une décision du juge de payer une dette. Il est également important que cela se produise sans que le débiteur n’en soit informé préalablement.
La réalisation d’une saisie conservatoire sur un compte bancaire belge n’est pas difficile. En revanche, un créancier qui avait affaire à un débiteur étranger ou un débiteur belge avec une ou plusieurs comptes bancaires à l'étranger craignait souvent d’initier une procédure en saisie parce qu’il devait s’adresser à un tribunal étranger. En conséquence, de nombreuses dettes n’étaient pas récupérables d’un point de vue pratique et de nombreuses créances étaient donc abandonnées.
A partir du 18 janvier 2017, chaque consommateur ou entreprise belge pourra demander au juge belge une ordonnance européenne de saisie conservatoire. Avec cette ordonnance, une saisie peut être effectuée sur un ou plusieurs comptes bancaires qu’un débiteur détient dans d’autres états membres de l’Union européenne que la Belgique.
Une saisie conservatoire empêche le transfert ou le retrait des avoirs que le débiteur détient sur son compte bancaire.
2. Uniquement d’application dans les litiges transfrontières
Le règlement en question est seulement applicable aux créances pécuniaires en matière civile et commerciale, lorsque le compte bancaire sur lequel la saisie conservatoire sera effectuée est tenu dans un autre état membre que celui du créancier ou du tribunal devant lequel la procédure a été introduite pour obtenir l’ordonnance de saisie conservatoire.
Ce règlement n’est pas applicable au Danemark et aux Royaume-Uni.
Si l’élément transfrontalier fait défaut, le règlement n’est pas applicable et les règles nationales en matière de saisie conservatoire s’appliquent.
3. Devant quel tribunal doit-on introduire la demande ?
Si le créancier n’a pas encore obtenu une décision, une transaction judiciaire ou un acte authentique, le tribunal de l’état membre qui est compétent pour statuer au fond l’est également pour délivrer l’ordonnance de saisie conservatoire.
Lorsque le débiteur est un consommateur qui a conclu un contrat avec le créancier à des fins pouvant être considérées comme étrangères à l’activité professionnelle du débiteur, le tribunal de l’état membre dans lequel le débiteur est domicilié est seul compétent.
Si le créancier a déjà obtenu une décision ou une transaction judiciaire, un tribunal de l’état membre dans lequel la décision a été rendue ou la transaction judiciaire a été approuvée ou conclue est compétent pour délivrer l’ordonnance de saisie conservatoire pour la créance précisée dans la décision ou la transaction judiciaire.
Si le créancier a obtenu un acte authentique, le tribunal désigné à cet effet dans l’état membre dans lequel ledit acte a été établi est compétent pour délivrer une ordonnance de saisie conservatoire pour la créance précisée dans cet acte.
4. Comment se déroule la procédure ?
La demande d’ordonnance de saisie conservatoire doit être introduite auprès du juge qui est compétent pour rendre une décision au fond. Pour cela, un formulaire standard doit être utilisé.
Le créancier doit fournir suffisamment d’éléments de preuve pour convaincre le tribunal que :
il existe un risque réel qu’à défaut d’une telle mesure conservatoire, le recouvrement ultérieur de sa créance soit empêché ou rendu sensiblement plus difficile ;
sa créance à l’égard du débiteur est déclarée manifestement fondée.
Pour garantir l’effet de surprise, la procédure est unilatérale. Le débiteur n’est pas informé de la demande d’ordonnance de saisie conservatoire ni entendu avant que l’ordonnance ne soit délivrée.
5. Garanties pour le débiteur
D’un autre côté, le Règlement prévoit un certain nombre de garanties pour empêcher qu’il y ait un abus de cette procédure.
Ainsi, il sera possible que le dommage dont le débiteur pourrait éventuellement souffrir suite à la saisie puisse être indemnisé pour autant que le créancier en soit responsable. A cet effet, il peut entre autres être exigé du créancier une garantie. La charge de la preuve de la responsabilité du créancier incombe au débiteur.
Le règlement prévoit cependant que, dans certains cas, le créancier est réputé responsable, à savoir :
Si l’ordonnance est révoquée parce que le créancier a omis d’engager une procédure au fond, à moins que cette omission ne résulte du paiement de la créance par le débiteur ou de tout autre forme de règlement intervenu entre les parties ;
Si le créancier a omis de demander la libération des montants qui excèdent ceux précisés dans l’ordonnance de saisie conservatoire ;
S’il apparaît ultérieurement que la délivrance de l’ordonnance n’était pas appropriée ou n’était appropriée que pour un montant inférieur, parce que le créancier n’a pas informé le tribunal qu’il
a. a introduit une demande parallèle concernant le même débiteur et la même créance devant un autre tribunal ; ou
b. a reçu une ordonnance équivalente sur le plan national concernant le même débiteur et la même créance.
Si l’ordonnance est révoquée ou s’il est mis fin à son exécution parce que le créancier n’a pas respecté les obligations en matière de signification, notification ou traduction.
6. Demande visant à obtenir des informations sur le compte du débiteur
Il arrive parfois que le créancier sache que le débiteur possède des comptes dans une banque d’un autre état membre dont il ne connaît ni le nom, ni l’adresse, ni le code IBAN.
Dans ce cas, le règlement prévoit un mécanisme par lequel le créancier peut demander au tribunal qui délivre l’ordonnance de demander à l’autorité chargée de l’obtention d’informations de l’état membre dans lequel il suppose que son débiteur a un compte, de recueillir des informations qui doivent l’aider à identifier les comptes du débiteur.
7. Conclusion
Avec la création d’une ordonnance européenne de saisie conservatoire sur les comptes bancaires, une étape supplémentaire pour simplifier le recouvrement transfrontalier de créances a été franchie.