Imaginez…
Vous négociez avec un de vos fournisseurs. Votre relation est excellente et vous avez bien l’intention de continuer à collaborer. Vous êtes même disposé à partager vos bénéfices avec ce fournisseur, mais vous tenez tout de même à votre indépendance. Vous ne souhaitez donc pas constituer une société commune, mais plutôt conclure une convention de collaboration par laquelle la responsabilité de chaque partie est clairement définie.
Vous consultez votre département juridique, qui vous avertit que vous pourriez bien être plus lié vis-à-vis de votre fournisseur que vous ne pourriez le penser à première vue. En effet, la convention de collaboration que vous envisagiez pourrait être considérée comme une société, étant donné que vous en partagez les bénéfices. Clairement, vous n’aviez pas vu les choses sous cet angle.
Quelques précisions.
Une société de droit commun est une société dépourvue de la personnalité juridique.
Une société de droit commun présuppose un apport de chacun des associés. Ils doivent donc constituer un apport commun dans l’objectif de générer ensemble un bénéfice. C’est le cas lorsque, par exemple, l’un fournit l’infrastructure et l’autre, la main-d’œuvre. Si, dans le cadre de cette collaboration, les parties sont sur un même pied d'égalité (aucune partie n’est sous l’autorité de l’autre), un juge pourrait considérer que cette collaboration reflète l’existence comme une société de droit commun.
Les associés (‘partenaires’) d'une société de droit commun sont personnellement responsables des agissements de la société de droit commun. Si cette société de droit commun mène des activités commerciales, chaque associé est dès lors solidairement responsable des engagements de ladite société. De plus, un des partenaires peut réclamer les frais des activités commerciales à l’autre, proportionnellement à sa participation dans la société de droit commun. Des discussions pourraient ainsi surgir à l’issue de la collaboration quant à savoir qui est propriétaire des biens apportés, et vous pourriez dès lors être amené à céder plus que vous ne le souhaiteriez. C’est assurément le cas si votre associé fait faillite et que vous êtes appelé à honorer le reliquat de ses dettes.
La cour d’appel de Gand a estimé dans un arrêt publié récemment qu’une convention aux termes de laquelle une partie avait fourni les bâtiments et les équipements industriels à une entreprise agricole pendant des années et les deux autres parties se chargeaient de l’entretien du bétail constituait un contrat de société de droit commun, car la convention de collaboration incluait un partage des bénéfices. En outre, les parties qui assuraient l’entretien des bâtiments dans lesquels se trouvait le bétail affirmaient en être devenues copropriétaires du fait de cette société de droit commun. La cour n’a toutefois pas retenu ce dernier argument.
Concrètement.
Comment prévenir ce type de situation ? Le contrat de collaboration prévoit généralement que les parties, en collaborant, ne constituent pas une société de droit commun. Cette solution n’est cependant pas parfaite. Les personnes tierces ne sont en effet pas au courant du contenu du contrat de collaboration et il n’est pas exclu qu’un juge y voie tout de même une société de droit commun.
Si vous entamez une collaboration intensive avec une autre partie et que vous êtes disposé à partager les bénéfices, il peut s’avérer utile d’examiner si la création d'une société ayant une personnalité juridique n’est pas une alternative. Cette construction vous permettra non seulement de limiter votre responsabilité, mais également de régler l’organisation, les droits de contrôle et la liquidation dans un cadre légal prédéfini.