1. Dois-je payer les salaires?
Etant donné que les grévistes n’exécutent aucune prestation de travail, ils n’ont droit à aucun salaire pour la période de grève. Si la grève a été reconnue par les syndicats, les grévistes affiliés recevront une indemnité de grève de leur syndicat.
Les travailleurs non-grévistes qui poursuivent le travail ont bien entendu droit à un salaire.
Il est fréquent que des travailleurs non-grévistes se retrouvent, suite à la grève, dans l’impossibilité d’exécuter ou de poursuivre leur travail. Les situations suivantes peuvent se présenter:
1.1. Le non-gréviste qui arrive en retard ou qui ne vient pas au travail
L’article 27, 1° de la Loi relative aux contrats de travail prévoit que le travailleur qui se rend normalement à son travail, mais qui arrive en retard ou n’arrive pas, a droit au salaire garanti d’une journée, à condition que le retard ou le fait de ne jamais arriver soit indépendant de sa volonté.
S’il s’agit d’une grève annoncée à l’avance, il ne peut être question d’un événement imprévisible et le travailleur doit prendre les mesures nécessaires afin de se rendre ce jour-là à son travail (moyen de transport privé, covoiturage, d’autres moyens de transport en commun,...). Le travailleur qui arrive en retard ou qui n’arrive pas sur son lieu de travail à cause de la grève, ne recevra le salaire garanti que pour autant qu’il prouve qu’il a fait suffisamment d’efforts afin de se rendre au travail. La journée d’action du 4 mars prochain est d’ores et déjà connue. Vous ne serez donc probablement pas tenu d’indemniser les travailleurs non-grévistes qui arrivent en retard au travail ou qui n’arrivent pas du tout.
Si par exemple des barrages routiers sont mis en place causant la fermeture d’axes routiers, il s’agit bien d’un événement imprévisible. Lorsque le travailleur peut prouver qu’il a mis en oeuvre les efforts raisonnables pour atteindre son lieu de travail, il a droit au salaire garanti.
1.2. Le non-gréviste qui ne peut pas se mettre ou poursuivre le travail
L’article 27, 2° de la Loi relative aux contrats de travail prévoit que le travailleur a droit au salaire garanti s’il n’a pas pu accomplir sa tâche journalière pour une raison indépendante de sa volonté. Cet article n’est pas d’application en cas de grève.
En cas de grève dans sa propre entreprise, le non-gréviste qui ne peut pas accomplir ou poursuivre son travail n’aura aucun droit à un salaire pour les heures d’interruption de travail. Tel est le cas lorsqu’une grève éclate et que le travail est temporairement arrêté suite à un blocage ou à un piquet de grève, ou parce que le rare personnel présent n’est pas suffisant pour continuer la production ou encore, parce qu’une grève a éclaté chez un fournisseur. Il s’agit alors d’une force majeure qui libère l’employeur de son obligation de payer le salaire.
Lorsqu’un piquet de grève est mis en place à l’entrée du terrain industriel ou de la zone industrielle dans laquelle l’entreprise est située, se pose la question de savoir si les mêmes règles s’appliquent. Le travailleur n’a en effet pas pu accéder à l’entreprise en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, et n’a donc également pas pu prendre son poste. Dans une telle situation, le travailleur ne recevra le salaire garanti que s’il prouve qu’il a mis en oeuvre les efforts suffisants pour être présent au travail. Dans ce cas, l’ONEM peut également intervenir et payer des indemnités de chômage, ce qui nécessite une décision du comité de gestion. D’expérience, nous constatons qu’une telle décision est cependant assez rarement accordée.
2. Pouvez-vous faire appel à un travailleur intérimaire ou temporaire?
L’article 8 de la CCT n° 58 prévoit expressément qu’ “une entreprise de travail intérimaire ne peut mettre ou maintenir des travailleurs intérimaires au travail chez un utilisateur en cas de grève ou de lock-out ». Une participation de quelques délégués syndicaux ou militants à une action syndicale sans conséquence sur l’activité opérationnelle de l’entreprise ne constitue pas une grève ; dans ce cas, des travailleurs intérimaires peuvent être employés ou maintenus au travail.
Par ailleurs, vous ne pouvez également pas utiliser un contrat de remplacement (contrat temporaire pour le remplacement d’un travailleur permanent dont le contrat de travail est suspendu) pour prévoir le remplacement d’un travailleur gréviste.
3. Pouvez-vous faire cesser la grève par le biais des tribunaux ?
Les services de police sont généralement très réticents à intervenir en cas de grèves. Ils interviendront éventuellement mais uniquement s'il existe un danger manifeste pour la sécurité des personnes.
L’unique manière efficace de faire cesser une grève consiste à soumettre l’affaire au Président du tribunal de première instance par le biais d’une procédure en référé. Cette procédure est introduite par une requête unilatérale. Le Président peut ordonner à court terme la cessation d’actions déterminées (par exemple les blocages) ou prendre des mesures urgentes (par exemple garantir le libre accès à l’entreprise).
Avec une procédure en requête unilatérale, le tribunal de première instance (donc pas le tribunal du travail) rend une ordonnance sur le litige sans entendre les travailleurs ou les syndicats en conflit. Ceci est possible si certains droits et obligations sont transgressés:
- Les piquets de grève actifs: les grévistes peuvent encourager verbalement les travailleurs et/ou les clients mais ils ne peuvent utiliser la contrainte physique ;
- Le droit d’accès à l’entreprise doit être préservé, tout comme le droit des travailleurs de ne pas faire grève ;
- Les droits de propriété et d’entreprendre ne doivent pas être violés ;
Toute constatation d’infraction doit être établie par un huissier de justice. Il fera le constat sur base des éléments suivants:
- Blocage des voies d’accès des zones industrielles ;
- Blocage de l’entrée de l’entreprise;
- Identification des véhicules qui bloquent la route (numéro d’immatriculation, marque du véhicule, numéro de série) ;
- Nombre de personnes concernées par l’action, leurs vêtements, leurs âges et leur identité;
- Actions dirigées vers les clients ou les tiers ;
- Etc…
Le tribunal peut imposer le paiement d’une astreinte en cas de violation de sa décision. Ce montant peut être imposé au prorata du nombre de violations, du nombre de jours de retard dans l’application de la décision judiciaire,....
Si vous avez encore la moindre question concernant les grèves, si vous pensez que des actions vont se dérouler chez vous ou si vous êtes confrontés vendredi à une grève et que vous souhaitez de l’assistance, n’hésitez pas à prendre immédiatement contact avec notre « grève task force » :