SkypeOut permet à un utilisateur de faire des appels vers une ligne téléphonique fixe ou mobile à partir d'un appareil connecté à Internet en utilisant une technique de Voix sur IP. Dans son arrêt du 5 juin 2019 (C-142/18) la Cour de justice a considéré que SkypeOut constitue un service de communications électroniques. Cela implique que Skype est soumise à l'ensemble des obligations de la Loi Communications Electroniques en vertu de ce service. Ces obligations comprennent non seulement la notification à l'Institut belge des services postaux et des télécommunications (« l'IBPT ») mais aussi, entre autres, les obligations relatives à la protection des données, à la sécurité des services, à l'accès des utilisateurs aux services d'urgence et au Service de médiation de l'IBPT.
L'arrêt de la Cour de justice du 5 juin 2019 a été rendu à la suite de questions préjudicielles posées par la Cour d'appel de Bruxelles dans le cadre d'un litige opposant Skype Communications à l'IBPT. La question principale du litige était de savoir si SkypeOut constituait ou non un service de communications électroniques.
Skype Communications avait intenté devant la Cour d'appel de Bruxelles un recours en annulation d'une décision de l'IBPT du 30 mai 2016 par laquelle l'IBPT avait infligé à Skype Communications une amende administrative de 223.454 EUR en raison de l'absence de notification préalable concernant la mise à disposition de SkypeOut en Belgique.
Service de communications électroniques
Un service de communications électroniques est un service normalement fourni contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission, y compris les opérations de commutation et de routage, de signaux sur des réseaux de communications électroniques (article 2,5° de la Loi Communications Electroniques). La Loi Communications Electroniques exclut de la définition du service de communication électronique certains services comme les services de la radiodiffusion et la télévision. Cette définition constitue la transposition de l'article 2(c) de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (« la directive cadre »).
SkypeOut
SkypeOut est une fonctionnalité ajoutée au logiciel Skype permettant à l'utilisateur de SkypeOut de faire des appels téléphoniques à partir d'un terminal connecté à Internet vers une ligne téléphonique fixe ou mobile en utilisant une technique de Voix sur IP. Toutefois, les utilisateurs SkypeOut n'ont pas la possibilité de recevoir des appels téléphoniques à partir de numéros de téléphone belges.
Le service fourni via SkypeOut est un service dit « hors offre du fournisseur d'accès à l'internet ». Cela signifie que le service de SkypeOut est disponible sur Internet sans la participation d'un opérateur de services de communications traditionnel.
Les utilisateurs de SkypeOut paient une rémunération à Skype Communications par une formule prépayée ou d'abonnement.
Deux services distincts
Selon la Cour de justice, le service VoIP de SkypeOut se compose de deux services de communications électroniques distincts. Le premier service de communications électroniques consiste à acheminer les signaux vocaux de l'utilisateur appelant vers la passerelle entre l'Internet et le réseau téléphonique commuté public (« RTCP »). C'est le fournisseur d'accès à l'Internet de l'utilisateur qui est responsable pour ce service.
Le deuxième service de communications électroniques consiste à acheminer lesdits signaux via le RTCP jusqu'au point de terminaison fixe ou mobile. A cette fin, Skype Communications fait appel à des fournisseurs de services de télécommunications dûment autorisés à transmettre des appels vers le RTCP.
Selon la Cour de justice, ces services des fournisseurs de télécommunications constituent des services de communications électroniques au sens de la directive cadre. Cependant, ces fournisseurs ne peuvent pas être tenus responsables à l'égard des utilisateurs, car ils n'entretiennent aucune relation contractuelle avec ces utilisateurs. Ces mêmes fournisseurs ne se sont engagés par contrat qu'à l'égard de Skype Communications à acheminer des signaux vocaux émis par l'intermédiaire de SkypeOut sur le RTCP.
La Cour de justice a considéré que c'est Skype Communications qui rend techniquement possible la transmission de signaux du réseau Internet vers le RTCP. A cette fin, elle conclut des accords d'interconnexion avec les fournisseurs de services de télécommunications sur le RTCP. Selon la Cour, c'est Skype Communications qui garantit, en définitive, à ses clients et abonnés le service VoIP qu'elle propose avec la fonctionnalité SkypeOut de son logiciel Skype.
La Cour de justice a précisé que c'est Skype Communications qui permet techniquement de transférer des signaux provenant d'Internet vers le RTCP. A cette fin, elle conclut des contrats d'interconnexion avec les fournisseurs de services de télécommunications sur le RTCP. Selon la Cour, Skype Communications est responsable envers ses clients et abonnés pour ce second service VoIP qu'elle fournit contre paiement.
La Cour de justice a considéré que le fait que Skype Communications déclare dans ses conditions générales qu'elle n'assume aucune responsabilité de la transmission des signaux à l'égard de ses utilisateurs, ne change rien à la qualification de SkypeOut de service de communications électroniques. La Cour de justice a également indiqué que la possibilité d'utiliser le logiciel Skype sans SkypeOut n'était pas pertinente. Bien que l'installation de SkypeOut sur un terminal nécessite l'installation préalable de Skype, la Cour de justice a considéré que SkypeOut fonctionne de manière totalement autonome.
La Cour de justice a ensuite décidé que la circonstance que le service VoIP de SkypeOut est également couvert par la notion de « service de la société de l'information », n'implique nullement qu'il ne peut être qualifié d'un service de communications électroniques.
Les conséquences
Étant donné que SkypeOut est un service de communications électroniques, Skype aurait dû respecter l'ensemble des provisions de la Loi Communications Electroniques. Dans le cadre du différend avec l'IBPT, cela signifie d'abord que Skype aurait dû notifier ce service à l'IBPT.
Les obligations de la Loi Communications Electroniques vont au-delà et incluent, entre autres, des obligations à respecter par Skype concernant la protection des données, la sécurité des services, l'accès des utilisateurs aux services d'urgence et au Service de médiation de l'IBPT.