1. Le Conseil d’Etat néerlandais donne le ton
La section du contentieux administratif (ci-après la « SCA ») du Conseil d’Etat néerlandais a récemment statué sur la question de savoir si des SMS et autres messages (par exemple WhatsApp®) relevaient de la loi néerlandaise sur la publicité de l’administration (ci-après la « Loi Publicité »). Ces messages sont souvent proches de conversations téléphoniques et sont souvent de nature privée, ce qui implique qu’ils ne sont pas directement associés à la publicité de l’administration. En outre, il est fréquent que ces messages se trouvent non seulement sur les téléphones professionnels des fonctionnaires, mais également sur leurs téléphones privés.
Dans son arrêt du 20 mars 2019, la SCA a estimé que les SMS et autres messages pouvaient être considérés comme des « documents » au sens de la Loi Publicité. En vue de la qualification en tant que « document », deux caractéristiques sont importantes : (i) il doit s’agir d’un document écrit ou sur un autre support de données et (ii) le document doit être détenu par un organe administratif (au sens du droit néerlandais, qui comprend une Loi générale sur le droit administratif).
Selon la SCA, les SMS et autres messages sont dans une large mesure similaires aux emails qui, selon sa jurisprudence antérieure, tombent sous le champ d’application de la Loi Publicité. La nature du support ne joue aucun rôle à cet égard. Afin de déterminer si le document est détenu par un organe administratif, il est important que le document soit destiné à l’organe administratif en tant que tel. Selon la SCA, il importe peu que les messages concernés se trouvent sur un téléphone professionnel ou sur un téléphone privé.
2. Les SMS et autres messages sont-ils également accessibles au public en Belgique ?
La question se pose de savoir s’il en va de même en Belgique.
Ceci dépend de la qualification des SMS et autres messages en tant que « documents administratifs » au sens des différentes réglementations (fédérale et régionales) sur la publicité de l’administration. En effet, les autorités administratives soumises à ces règles sont obligées de donner accès aux documents administratifs sollicités à toute personne qui en fait la demande.
Le terme « document administratif » est très largement défini dans les réglementations belges sur la publicité de l’administration. En principe, il couvre toutes les informations, quel que soit leur support, détenues par une autorité administrative. Par conséquent, il peut s’agir de documents « papier » mais aussi d’emails ou de fichiers électroniques. Les SMS et autres messages ne semblent donc pas exclus a priori.
L’exigence relative à la détention du document par une autorité est également interprétée de manière large. Il n’est pas nécessaire que l’information soit effectivement détenue par les autorités concernées. L’autorité est également en possession de documents si elle peut les obtenir en vertu d’un certaine réglementation ou relation contractuelle. En outre, un document administratif qui est détenu par un membre du personnel de l’autorité est également considéré comme un document administratif. Le document doit néanmoins porter sur l’exercice des fonctions de l’autorité. Les documents, lettres, etc. concernant les relations privées du personnel ne sont ainsi pas couverts par la notion de document administratif.
Il ressort de ce qui précède que les SMS et autres messages semblent également relever de la notion de « document administratif » en Belgique et devraient donc être rendus accessibles au public sur demande. Tel est certainement le cas lorsque les messages se trouvent sur un téléphone professionnel. A notre estime, les messages se trouvant sur les téléphones privés des fonctionnaires peuvent également être rendus accessibles, dans la mesure où ils ont trait à l’exécution des fonctions de l’autorité. Les messages sur les téléphones privés du personnel sont en effet considérés comme détenus par ce personnel.
3. Tous les SMS et messages WhatsApp sont-ils soumis à l’exigence de publicité de l’administration ?
Comme expliqué ci-dessus, les messages du personnel non liés aux fonctions publiques de l’autorité concernée ne relèvent pas du champ d’application de l’exigence de publicité de l’administration. Il convient d’ajouter que toutes les exceptions à la publicité de l’administration s’appliquent intégralement aux SMS et autres messages. Par exemple, les messages ne sont pas divulgués si la demande d’accès est déraisonnable ou trop générale. En revanche, la personne qui sollicite la divulgation n’est pas tenue de démontrer un intérêt, à moins qu’il s’agisse de documents de nature personnelle. Enfin, les documents inachevés ou incomplets ne peuvent être divulgués. A notre estime, la majorité des SMS et autres messages seront couverts par ces dernières exceptions, puisqu’ils auront généralement un caractère préparatoire.
Si le contenu d’un message est partiellement couvert par une exception ou s’il contient en partie des informations non liées aux activités professionnelles du personnel, il est possible de recourir à la divulgation partielle. Seule la partie non couverte par l’exception ou qui concerne l’exercice de la mission de l’autorité, doit alors, dans la mesure du possible, être divulguée.
Nous ne nous attendons dès lors pas à une publication massive de SMS et d’autres messages, et cela nonobstant les éclaircissements de la SCA néerlandaise.
Néanmoins, les administrations et leur personnel doivent être conscients de ce que les messages électroniques dans le domaine professionnel ne sont pas totalement exclus du champ d’application de la législation relative à la publicité de l’administration, ce qui impliquera d’agir avec prudence, surtout dans les dossiers sensibles.