La Cour du travail de Liège s’est récemment penchée sur la question de la réduction groupe-cible « premiers engagements », et en particulier la notion d’unité technique d’exploitation au sein de laquelle est examinée l’existence (ou non) d’un réel engagement ouvrant le droit à la réduction en question. L’occasion de rappeler quelques principes en la matière afin d’éviter toute mauvaise surprise.
Les faits
Deux sociétés distinctes exploitent chacune une pharmacie dans la région de Namur. Respectivement en 2008 et 2012, une SPRL acquiert la quasi-totalité des parts des deux sociétés. Elle en devient la gérante et l’administratrice-déléguée.
En 2013, l’une des sociétés ferme son officine et obtient en 2016 l’autorisation des autorités compétentes de la déménager 20 km plus loin. Elle sollicite alors le bénéfice de réductions de cotisations sociales « premiers engagements » en raison de deux embauches réalisées à l’occasion de ce déménagement. Ces réductions lui sont accordées puis refusées par l’ONSS.
La société conteste cette décision et le litige est porté devant les juridictions du travail.
La décision de la Cour du travail
La réduction « premiers engagements » consiste en une diminution des cotisations patronales durant un certain nombre de trimestre pour les six premiers travailleurs engagés, voire de manière illimitée pour le premier travailleur. Le nouvel employeur ne peut toutefois pas bénéficier de l’avantage en cause si le travailleur nouvellement engagé remplace un travailleur qui était actif dans la même unité technique d’exploitation (UTE) au cours des quatre trimestres précédant l’engagement.
Pour apprécier l’existence ou non de ce remplacement, il y a lieu de comparer l’effectif, pour les quatre trimestres en question, de l’UTE à laquelle appartient l’employeur avec l’effectif de cette même UTE après l’engagement en cause. Autrement dit, le nouvel engagement suppose non seulement une embauche, mais également une croissance de l’emploi au sein de l’UTE.
En l’espèce, le niveau d’emploi au sein des deux sociétés après les engagements pour lesquels la réduction groupe-cible était réclamée, n’était pas supérieur au niveau des quatre trimestres précédents. Pour apprécier l’existence de nouveaux engagements et donc l’ouverture du droit aux réductions en cause, la Cour devait donc uniquement se pencher sur la question de savoir si les deux sociétés formaient ensemble une même UTE. Si la réponse à cette question est négative, la société concernée ayant procédé aux engagements peut bénéficier de la réduction. Et inversement.
La Cour a conclu à l’existence d’une même UTE, compte tenu des critères socio-économiques suivants. Tout d’abord, les deux sociétés ont un actionnariat commun détenu en quasi-totalité par la même SPRL. Cette dernière, qui est unipersonnelle, est gérante de l’une des sociétés et administratrice-déléguée de l’autre. Outre leur travailleur commun, les deux sociétés exercent une activité identique, à savoir l’exploitation d’une officine pharmaceutique ouverte au public. Enfin, ces activités sont exercées avec une relative proximité, tout en étant suffisamment éloignées que pour ne pas se faire concurrence ; ce qui accrédite l’idée d’une activité unique en expansion géographique.
Les deux sociétés formant une seule et même UTE et l’effectif étant identique avant et après les engagements en cause, ceux-ci ne représentent pas la croissance de l’emploi requise. La société concernée ne peut donc bénéficier de la réduction groupe-cible et elle est condamnée à payer à l’ONSS les arriérés de cotisations sociales auxquelles elle a indûment échappé.
Que retenir ?
Pour bénéficier de la réduction groupe-cible « premiers engagements », le travailleur nouvellement engagé ne doit pas remplacer un travailleur qui était déjà actif dans la même unité technique d’exploitation (UTE). L’existence d’une telle UTE est examinée à l’aune de critères socio-économiques.
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Source : Cour trav. Liège, 22 août 2019, R.G. n° 2018/AN/138, inédit.