Les faits
Un travailleur, en incapacité de travail, transmet ses certificats médicaux par e-mail à l'employeur. Ce dernier n’en prend toutefois pas connaissance, pour une raison technique : les e-mails sont filtrés parmi ses « courriers indésirables ».
Après que l’employeur lui ait adressé, par recommandé, un courrier le mettant en demeure de justifier de son absence, le travailleur lui répond par e-mail. De nouveau, l’employeur ne prend pas connaissance de cet e-mail. Il adresse, de ce fait, un second et dernier courrier de mise en demeure.
Après deux mois d'une (supposée) absence injustifiée, l’employeur constate la rupture du contrat de travail, aux torts du travailleur, pour « abandon de poste ».
Le travailleur conteste cette décision devant les juridictions du travail, soutenant n’avoir jamais eu la volonté de rompre le contrat de travail.
La décision de la Cour du travail
La Cour du travail de Liège, division Namur rappelle que, pour constater la démission « tacite » d’un travailleur, l’employeur doit démontrer la volonté certaine de ce dernier de rompre le contrat de travail.
Cette volonté de rompre peut, selon les circonstances, être déduite d’un abandon de poste.
En l’espèce, l’employeur ne rapporte pas la preuve d’une telle volonté. En effet, le travailleur avait bien transmis les certificats médicaux et répondu aux différentes mises en demeure. En outre, l’employeur avait lui-même suggéré que soit entamé un dialogue sur les modalités de reprise du travail, après la fin de la période d’incapacité de travail. Sur la base des éléments soumis à son appréciation, la Cour relève ainsi que le travailleur n’a jamais manifesté la volonté de mettre fin au contrat de travail.
Par conséquent, c’est à tort que l’employeur a constaté la prétendue "démission" du travailleur. L’employeur est dès lors reconnu comme étant l’auteur d'un licenciement irrégulier. Il est condamné, sur cette base, au paiement d'une indemnité compensatoire de préavis.
Que retenir ?
Pour invoquer la démission "implicite" d'un travailleur, par exemple en cas d'absence injustifiée, l'employeur doit démontrer la volonté certaine du travailleur de rompre le contrat de travail.
Avant d’invoquer un abandon de poste, l’employeur avisé tentera donc, au préalable, de contacter le travailleur et veillera à le mettre en demeure de justifier de son absence.
Par ailleurs, rappelons que l’absence injustifiée d'un travailleur peut, suivant les circonstances et sous certaines conditions, également fonder un licenciement pour motif grave. Cette décision reste, bien entendu, soumise à l'appréciation des juridictions de travail en cas de contestation du travailleur.
Source : Cour trav. Liège, div. Namur, 12 novembre 2019, R.G. n°2018/AN/151, inédit.