L’année 2020 touchant à sa fin, l'équipe Insurance de Lydian souhaite revenir sur quelques arrêts intéressants rendus par la Cour de cassation durant cette année et concernant la loi relative aux assurances de 2014 (L. Ass.). La Cour de cassation a examiné plusieurs questions relatives aux assurances, notamment l'obligation de déclaration du preneur d'assurance, les conditions pour qu’une exclusion de couverture soit valable et les obligations de l'assureur après la résiliation du contrat d'assurance.
MOMENT DE LA SURVENANCE DU DOMMAGE
L’article 42 §1 L. Ass. dispose que la garantie d'assurance porte sur le dommage survenu pendant la durée du contrat et s'étend aux réclamations formulées après la fin de ce contrat. L'assureur est donc obligé de couvrir le dommage survenant pendant la durée du contrat d'assurance. Dans son arrêt du 25 février 2020, la Cour de cassation s'est prononcée sur le moment exact de la survenance du dommage.
En l’espèce, l'assuré, un médecin, avait entrainé la mort de la victime en retenant pendant des années des informations inquiétantes sur le développement d'une tumeur. Les ayants-droit du patient décédé ont considéré le médecin comme étant responsable du préjudice qu'ils ont subi du fait du décès. La question s'est posée de savoir si l'assureur responsabilité civile du médecin devait couvrir ce dommage. À cette fin, il était nécessaire de déterminer si le dommage était survenu au cours de la période assurée ou non.
Les juges d'appel ont estimé que la période durant laquelle la victime pouvait établir un lien entre les plaintes et les erreurs antérieures du médecin, c'est-à-dire à partir de mi-2009 à août 2010, était comprise dans la période pendant laquelle l'assureur avait couvert la responsabilité de l'assuré. Toutefois, le décès effectif n’était survenu que le 5 février 2013, c'est-à-dire après le dernier jour de la couverture d’assurance (c'est-à-dire le 31 décembre 2010).
Le 25 février 2020, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel en se positionnant différemment pour déterminer le moment de la survenance du dommage. Selon la Cour de cassation, le dommage s’était produit au moment du décès, alors que les juges d'appel avaient considéré que le dommage s'était déjà manifesté pendant la période où la patiente avait pu établir un lien entre ses problèmes de santé et les erreurs antérieures du médecin.
INDEMNITÉ DE PROCÉDURE À PAYER PAR L’ASSUREUR
L’article 153, § 5 L. Ass. dispose que lorsque le procès contre l'assuré est porté devant la juridiction répressive, l'assureur peut être mis en cause par la personne lésée ou par l'assuré et peut intervenir volontairement, dans les mêmes conditions que si le procès était porté devant la juridiction civile. Un assureur peut donc intervenir (volontairement) à une procédure tant civile que pénale.
En l'espèce, l'assureur, qui était intervenu volontairement à la procédure pénale, fut condamné en appel au paiement d'une indemnité de procédure. L'indemnité de procédure est une contribution fixe aux frais et honoraires de l'avocat de la partie qui a eu gain de cause. Elle est à la charge de la partie qui succombe au procès (art. 1022 C.J.).
Le pourvoi fut introduit devant la Cour de cassation en violation de l'article 162bis, al. 1 du Code d’instruction criminelle. En vertu de l'article 162bis, al. 1 du Code d’instruction criminelle, tout jugement de condamnation prononcé contre le prévenu et contre les personnes civilement responsables les condamne au paiement de l'indemnité de procédure envers la partie civile.
Dans son arrêt du 3 mars 2020, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi susmentionné. Elle a estimé qu'une compagnie d'assurance qui intervenait volontairement dans la procédure devant une juridiction civile et qui était déboutée pouvait être condamnée au paiement de l'indemnité de procédure. L'assureur pouvant être impliqué dans les mêmes conditions dans le cadre d’une procédure pénale, l'article 153, § 5 L. Ass. précité, nonobstant le libellé de l'article 162bis, al. 1 du Code d’instruction criminelle, permet à la juridiction répressive de condamner l'assureur du prévenu, qui est intervenu volontairement et qui a été condamné, au paiement d'une indemnité de procédure.
LA NÉCESSITÉ DE FORMULER LES EXCLUSIONS AVEC PRÉCISION
En vertu de l’article 62, al. 2 L. Ass., l’assureur répond des sinistres causés par la faute, même lourde, du preneur d'assurance, de l'assuré ou du bénéficiaire. Toutefois, l'assureur peut s'exonérer de ses obligations pour les cas de faute lourde déterminés expressément et limitativement dans le contrat. Cette disposition empêche l'assureur de se libérer de ses obligations en cas de faute lourde énoncée en termes généraux.
L'assureur responsabilité civile avait prévu une exclusion dans la police pour les "fautes graves". La faute grave était qualifiée de : "toute violation des lois, règles ou usages propres à l'activité assurée dont il résulte clairement pour toute personne connaissant cette matière qu'un dommage doit presque inévitablement en découler. Cela comprend l’absence manifeste de perception des impôts, de cotisations ou d'autres prélèvements".
La Cour d'appel a jugé que la mention selon laquelle cette clause pouvait concerner, entre autres, "l’absence manifeste de perception des impôts, de cotisations ou autres prélèvements" n’était pas suffisante considérer qu’elle n’était pas formulée de manière trop générale. La disposition ne permettait en effet pas de délimiter avec suffisamment de précision le comportement qui était à l'origine d'une faute grave et qui était exclu de la couverture, de telle sorte que l'assuré ne pouvait pas savoir exactement quel comportement était exclu de la couverture.
L'assureur n'était pas d'accord avec cette décision et estimait que la précision selon laquelle elle pouvait concerner, entre autres, "l’absence manifeste de perception d'impôts, de cotisations ou d'autres prélèvements" clarifiait suffisamment l'exclusion.
Le 4 juin 2020, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en cassation de l'assureur et a confirmé qu'un assureur ne pouvait pas se libérer en termes généraux de ses obligations sous la police pour des cas de faute grave.
L’OBLIGATION DE DÉCLARATION DE L’ASSURÉ EN CAS DE POLICES COMBINÉES
L’article 58 L. Ass. impose au preneur d’assurance à déclarer exactement, lors de la conclusion du contrat, toutes les circonstances connues de lui et qu'il doit raisonnablement considérer comme constituant pour l'assureur des éléments d'appréciation du risque. Toutefois, il ne doit pas déclarer à l'assureur les circonstances déjà connues de celui-ci ou que celui-ci devrait raisonnablement connaître. Les données génétiques ne peuvent pas être communiquées.
Lorsque l'omission ou l'inexactitude intentionnelles dans la déclaration induisent l'assureur en erreur sur les éléments d'appréciation du risque, le contrat d'assurance est nul (article 59, al. 1 L. Ass.)
Toutefois, le contrat d'assurance ne sera nul que si l’omission intentionnelle ou la fourniture d’informations inexacte porte sur des informations pertinentes pour l'évaluation du risque assuré. L’article 66, al. 3 L. Ass., disposition applicable en matière de polices combinées, dispose à ce sujet que la cause de nullité relative à l'une des prestations n'affecte pas le contrat dans son ensemble.
Cela signifie que si le contrat d'assurance couvre plusieurs risques et que l’omission ou la communication intentionnelle d'informations inexactes ne concerne qu'un ou plusieurs de ces risques, le contrat d'assurance n'est nul que pour les risques pour lesquels l'assureur a été intentionnellement induit en erreur. Ce n'est que lorsque l’omission ou la communication inexacte affecte l'ensemble des risques assurés que le contrat d'assurance peut être déclaré nul dans son ensemble.
La Cour de cassation rappelle ces principes en matière de nullité de polices combines dans son arrêt du 7 septembre 2020. En l'espèce, l'assuré avait souscrit une assurance habitation, comprenant une assurance incendie et une assurance contenu. Il s'agissait donc de polices combinées. Il n'avait pas informé l'assureur du caractère illégal et irrégulier d’un chalet en bois. Ce chalet avait été construit sans permis de bâtir et ne remplissait pas les conditions pour être régularisé.
La Cour de cassation a décidé qu’« en annulant l'intégralité du contrat d'assurance sans vérifier si l’omission intentionnelle (en l'occurrence le caractère illégal et non-régularisable du chalet en bois) avait affecté l'évaluation de tous les risques assurés, les juges d’appel ne justifient pas leur décision en droit. »
Les tribunaux doivent donc vérifier si l’omission intentionnelle ou la communication d'informations inexactes affecte l'évaluation de tous les risques assurés avant d'annuler le contrat d'assurance dans son ensemble. En l'absence d’une justification à cet égard dans leur décision, celle-ci sera susceptible d’être cassée.