La Cour de justice avait déjà précisé dans son arrêt du 21 février 2018 (arrêt Matzak) qu’un service de garde durant lequel un pompier doit rester à son domicile afin d’être présent au travail dans les 8 minutes suivant un appel est du temps de travail dans son intégralité. La jurisprudence belge récente suit cette jurisprudence (voyez par exemple Trib. trav. Bruxelles du 20 janvier 2020).
Les services de garde à domicile peuvent, en effet, être considérés comme du temps de travail dans la mesure où les circonstances montrent qu’un travailleur est à la disposition de son employeur, sans pouvoir utiliser son temps libre, et que cela est justifié par les modalités concrètes de cette disponibilité.
La manière dont cette évaluation peut être faite et les critères concrets qui doivent être pris en considération ont été précisés par la Cour de justice dans deux arrêts du 9 mars 2021. La première affaire (allemande) concernait un pompier qui n'était pas obligé de rester à son domicile, mais qui devait pouvoir rejoindre les limites de la ville dans les 20 minutes suivant l'appel, en uniforme de pompier et avec le camion de pompier, tout en étant, toutefois, autorisé à déroger aux règles du code de la route. La seconde affaire (slovène) concernait un technicien qui devait, pendant sa garde, contrôler des centres de transmission (à distance) dans les montagnes de sorte qu'en pratique, il ne pouvait pas rentrer chez lui pendant sa garde, même si cela n'était pas interdit. En cas d'appel, il devait être présent sur le lieu de travail dans l'heure.
1. QUELS SONT LES CRITÈRES ?
La Cour applique deux critères :
1. Le délai du temps d’intervention
Un temps d’intervention court de quelques minutes (par exemple 8 minutes dans l’affaire Matzak, 20 minutes dans l’affaire allemande) est un élément pour considérer la garde comme du temps de travail dans son intégralité, puisqu’un travailleur est donc en pratique découragé à planifier un quelconque loisir. Cependant, cela devra toujours être évalué in concreto, en tenant compte des autres obligations imposées au travailleur (par exemple, obligation de rester à son domicile) ou des facilités qui lui sont offertes lors du service de garde (par exemple, un pompier autorisé à utiliser les sirènes du véhicule de service, la possibilité d'intervention à distance).
2. La moyenne du nombre d’interventions effectuées durant le service de garde
Si un travailleur est fréquemment appelé pour une intervention pendant son service de garde, il a moins de possibilités d'occuper librement son temps pendant ses périodes d'inactivité. C'est d'autant plus vrai lorsque les interventions sont de plus longue durée.
2. QUELLES SONT LES CRITÈRES NON PERTINENTS ?
La Cour énumère également un certain nombre de critères qui ne sont pas pertinents pour évaluer s’il est question de temps de travail ou non. Il s’agit de :
Les problèmes d’organisation qui résultent de circonstances naturelles ou d’un libre choix du travailleur (par exemple, la distance entre le domicile du travailleur et son lieu de travail) ;
La circonstance que les activités de loisir soient peu nombreuses à proximité et que le travailleur ne peut pas les quitter pendant un service de garde ;
La circonstance que le lieu de travail soit difficile à rejoindre ;
L’octroi d’un logement de service par l’employeur à proximité du lieu de travail.
3. PAS DE LIEN AVEC LE SALAIRE MAIS BIEN AVEC LE BIEN-ÊTRE (RISQUES PSYCHOSOCIAUX)
La Cour rappelle que la qualification de temps de travail n'a pas d'impact sur la manière dont les travailleurs sont rémunérés pour les services de garde. Il est donc parfaitement possible que les services de garde soient rémunérés différemment que les prestations effectives, par exemple par l’octroi d’une rémunération de garde inférieure au salaire habituel.
Indépendamment de la qualification des services de garde (temps de travail ou temps de repos), un employeur ne peut pas, sur la base de ses obligations générales en matière de bien-être, mettre en place des services de garde trop longs ou trop fréquents, puisque cela peut entraîner un risque psychosocial pour le bien-être des travailleurs.
4. A FAIRE
Il est important d'examiner les modalités liées au service de garde (par exemple, l'obligation de rester à la maison, le temps d'intervention, le nombre moyen d'appels). Plus les modalités sont contraignantes, plus il y a de chances que les services de garde soient considérés comme du temps de travail dans son intégralité. Pour éviter ce risque, vous pouvez envisager de d’assouplir un certain nombre de modalités ou fournir des équipements supplémentaires.