04/11/11

Assureurs vs Fonds de pension

Alors que l’on s’oriente vers un report de l’implémentation de la directive Solvabilité 2 au 1er janvier 2014, les assureurs et fonds de pension poursuivent leur lobbying auprès des autorités européennes quant au régime de fonds propres à appliquer aux fonds de pension.

La constitution de retraites complémentaires est, en droit belge, encadrée par deux législations de référence. La première concerne les retraites complémentaires des travailleurs salariés et des dirigeants des entreprises : il s’agit de la loi du 28 avril 2003 relative aux pensions complémentaires (« LPC »). La seconde concerne les travailleurs indépendants : il s’agit de la loi du 24 décembre 2002 sur les pensions libres complémentaires des indépendants (« PLCI »).
En règle, le financement des retraites complémentaires doit être externalisé et confié soit à un « fonds de pension », soit à une entreprise d’assurance-vie.

Historiquement, les fonds de pension de droit belge devaient prendre la forme d’une association sans but lucratif (« ASBL ») ou d’une association d’assurance mutuelle (« AAM »). Ils étaient, jusqu’en 2006, soumis à la loi du 9 juillet 1975 relative au contrôle des entreprises d’assurance.

A l’occasion de la transposition en droit belge de la Directive 2003/41 du 3 juin 2003 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (« Directive IRP »), le législateur belge a sorti les fonds de pension du champ d’application de la législation de contrôle des entreprises d’assurance et a créé un statut autonome et distinct pour les IRP.

Les IRP sont désormais exclusivement régies par la loi du 27 octobre 2006 relative au contrôle des institutions de retraite professionnelle (« Loi IRP »), qui a créé un cadre juridique complet, avec, notamment, la création d’une nouvelle personnalité juridique : l’Organisme de Financement de Pension (« OFP »).

Les IRP de droit belge doivent ainsi obligatoirement prendre la forme juridique d’un OFP, dont les règles de fonctionnement sont largement inspirées de celles gouvernant les ASBL.

En conclusion, le financement des retraites complémentaires (que ce soit celles des travailleurs salariés, des dirigeants d’entreprise ou des travailleurs indépendants), lorsqu’il est externalisé en Belgique, doit être confié soit à un OFP, soit à une entreprise d’assurance-vie.
L’article 17 de la Directive IRP impose que les IRP détiennent en permanence, en plus des provisions techniques, des actifs supplémentaires afin de servir de « coussin de sécurité ». Dans sa version initiale, la Directive IRP renvoyait, pour le calcul du montant minimum des actifs supplémentaires, aux règles fixées par les articles 27 et 28 de la Directive 2002/83, dite « Solvabilité 1 ».

A l’occasion de l’adoption de la Directive 2009/138 du 25 novembre 2009, dite « Solvabilité 2 », le législateur européen a maintenu les principes de Solvabilité 1 dans la Directive IRP. Il en résulte que le champ d’application de Solvabilité 2 est limité aux entreprises d'assurance directe vie et non-vie (et, dans une certaine mesure, aux entreprises de réassurance) qui sont établies sur le territoire d'un État membre ou qui souhaitent s'y établir (article 2, Solvabilité 2).
En conclusion, dès lors qu’en droit belge, les IRP ne relèvent pas de la législation de contrôle des entreprises d’assurance, elles ne seront pas soumises aux dispositions de Solvabilité 2. Il existe donc une distinction de régime entre les assureurs et les fonds de pension lorsque ceux-ci gèrent des pensions complémentaires de retraites.

Compte tenu de cette distinction de régime, le législateur européen a invité la Commission « à procéder dans les meilleurs délais à la révision de la directive IRP » et à « créer un système approprié de règles de solvabilité concernant les institutions de retraite professionnelle, avec l'assistance de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles ».

Les organisations représentatives des entreprises d’assurances, telle que le Comité Européen des Assurances (« CEA ») au niveau européen et Assuralia au niveau belge, ont plaidé dès la phase préparatoire de Solvabilité 2 pour que tous les types de fournisseurs de pension (assureurs-vie et fonds de pension) soient soumis à Solvabilité 2 puisqu’ils évoluent dans le même environnement. Une adaptation à leur profil de risque respectif pourrait néanmoins être trouvée.

Le secteur de l’assurance, ainsi que les superviseurs, considèrent ainsi que les règles de Solvabilité 1 sont obsolètes et que celles de Solvabilité 2 pourraient constituer une bonne base de réflexion pour construire un système adapté aux IRP.

Par contre, un deuxième groupe d’acteurs, composé des fonds de pension et des employeurs, considère bien sûr qu’il n’y a pas de raison de changer les règles actuelles.

La Commission européenne a publié en juillet 2010 un livre vert « Vers des systèmes de retraite adéquats, viables et sûrs en Europe ». La Commission y précise que les parties prenantes à la consultation ont signalé la nécessité d’un régime de solvabilité sui generis pour les fonds de pension, et que l’approche adoptée dans Solvabilité 2 pourrait constituer un bon point de départ, à condition d’être adaptée pour tenir compte de la nature et de la durée des prestations promises, lorsque c’est nécessaire.

Ce livre vert initiait un nouveau tour de consultation qui a pris fin en novembre 2010. La Commission européenne a ensuite confirmé son intention de revoir la Directive IRP et a, à cette fin, demandé l’avis de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (« AEAPP ») en avril 2011. La Commission y expose notamment que la supervision des IRP devrait être basée sur une approche « risque économique » (economic risk-based approach) permettant un contrôle basé sur trois piliers : qualitatif, quantitatif et transparence. Dans la mesure du possible, le nouveau régime devrait être compatible avec l’approche adoptée par Solvabilité 2.

L’avis de l’AEAPP devra être rendu pour le 16 décembre 2011.
Il est ensuite probable que la Commission européenne prépare un projet de directive, qui pourrait, à nouveau, faire l’objet de consultations au sein du secteur, avant, le cas échéant, d’entamer son parcours législatif auprès du Conseil des Ministres européen et du Parlement européen. En cas d’adoption de cette directive, les Etats Membres disposeront ensuite d’un délai de transposition en droit national.

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