La Belgique doit aider les sociétés belges à se développer, notamment grâce à la recherche et au développement. Elle doit également attirer les sociétés internationales par des « niches », son taux facial d'impôt des sociétés étant l'un des plus élevés d'Europe.
Nous examinerons si notre pays est fiscalement attractif pour les sociétés qui développent ou acquièrent des brevets. Ce régime sera comparé avec celui de nos voisins luxembourgeois et néerlandais.
Belgique
Pour promouvoir la recherche, le législateur belge a instauré une déduction pour les revenus de brevets (articles 205/1 à 205/4 du Code des impôts sur les revenus insérés par la loi-programme du 27 avril 2007).
Ces mesures permettent aux sociétés belges ou aux établissements belges de sociétés étrangères de déduire de leur base imposable 80% des revenus de leurs brevets. Le taux effectif de l'impôt des sociétés est ainsi réduit à 6,8% sur ces revenus de brevets.
Brevets visés
La déduction pour revenus de brevets s'applique uniquement aux brevets et aux certificats complémentaires de protection, à l'exclusion des autres droits de propriété intellectuelle tels que droits d'auteur, marques, etc.
Le brevet est le droit exclusif et temporaire d'exploitation d'une invention, qui nécessite une activité inventive et susceptible d'application industrielle. Le brevet visé par le régime fiscal peut être national, européen ou international.
Le certificat complémentaire de protection permet, quant à lui, le prolongement de la vie de brevets portant sur des médicaments.
Cette déduction fiscale s'applique dans deux hypothèses :
- brevets ou certificats dont la société est titulaire et qui sont développés totalement ou partiellement par la société dans des centres de recherche formant une branche d'activité ;
- brevets, certificats ou droits de licence portant sur des brevets ou des certificats acquis par la société, à la condition que ces produits ou procédés brevetés aient fait l'objet d'améliorations par la société dans des centres de recherche formant une branche d'activité, que cette amélioration ait ou non donné lieu à des brevets supplémentaires.
Revenus visés
La société peut déduire de sa base imposable 80 %:
- soit des rémunérations pour les licences de brevets qu'elle concède ;
- soit, si elle exploite elle-même les brevets dont elle est titulaire, des rémunérations qui seraient dues à la société par un tiers en vertu de la concession d'une licence de brevets.
Limitations
Les deux catégories susmentionnées de revenus de brevets ne donneront lieu à la déduction que pour autant qu'elles apparaissent dans le résultat imposable en Belgique. Autrement dit, aucune déduction ne sera octroyée pour les revenus qui sont imputés à des établissements stables étrangers de sociétés belges. Si une société belge n'a pas suffisamment de bénéfice pour permettre l'imputation de la déduction pour revenus de brevets, celle-ci ne peut être reportée sur un exercice ultérieur.
Pour éviter une double déduction dans l'hypothèse d'un brevet acquis par une société, certains frais, comme les rémunérations dues à des tiers et les amortissements liés au brevet et imputés sur le résultat imposable, seront déduits du montant des revenus du brevet.
Pays-Bas
Avec « l'octrooibox », instauré en 2007, les Pays-Bas ont été le premier pays dans le Benelux à introduire un régime fiscal attractif aux revenus de brevets. Ils ont amélioré le régime par l'« innovatiebox », qui depuis le 1er janvier 2010, a remplacé l'« octrooibox ». Les entreprises néerlandaises peuvent aujourd'hui déduire de leur base imposable 80% des revenus nets de leurs brevets.
Le régime fiscal de l'innovatiebox ne s'applique qu'aux brevets développés en interne et aux activités de recherche et développement pour lesquelles un certificat a été délivré par le ministère des affaires économiques néerlandaise.
Le régime de l'exonération s'applique tant aux redevances de brevets qu'aux plus-values réalisées lors de la cession de brevets.
Luxembourg
Dernier arrivant dans la course aux brevets, le Luxembourg a introduit à partir du 1er janvier 2008 une exonération de 80% des revenus de brevets dans le chef des sociétés luxembourgeoises et des personnes physiques résidentes au Grand-Duché.
Notons que le régime fiscal luxembourgeois de la propriété intellectuelle englobe, outre les brevets, les droits d'auteurs sur des logiciels informatiques, les marques de fabrique ou de commerce, les dessins et les modèles et les noms de domaine.
Revenus visés
Le régime luxembourgeois vise 3 types de revenus :
- les revenus perçus à titre de rémunération pour l'usage ou la concession de l'usage d'un brevet ;
- lorsqu'un contribuable a lui-même constitué un brevet et qu'il l'utilise dans le cadre de son activité, les revenus qu'il aurait perçus s'il avait concédé l'usage de ce droit à un tiers ;
- la plus-value réalisée à l'occasion de la cession d'un brevet.
Limitations
Seul le « revenu net positif » entre en ligne de compte pour l'exonération.
Le revenu net est défini comme la redevance brute reçue par la société diminuée des charges ayant un lien économique direct avec le revenu, incluant les amortissements et les provisions annuelles. Dans hypothèse où le contribuable a lui-même développé un brevet et qu'il l'utilise dans le cadre de son activité, le revenu net positif sera la rémunération fictive diminuée des dépenses en lien économique directe avec ce revenu, y compris l'amortissement annuel.
Par ailleurs, les exonérations prévues par la loi luxembourgeoise sont soumises à la condition que le brevet n'ait pas été acquis d'une personne qui a la qualité de société associée.
Conclusion
Le régime fiscal belge des revenus de brevets est le plus compétitif, à tout le moins pour ce qui concerne les brevets développés en interne, car ce sont les revenus bruts qui font l'objet d'une déduction à concurrence de 80% de la base imposable de la société. Cela signifie que le taux d'imposition effectif de 6,8% sera d'avantage réduit par les coûts de développements et d'améliorations. En outre, un planning fiscal qui combine cette déduction avec le régime des intérêts notionnels annihile la base imposable de la société.
Par contre, l'inconvénient du régime belge par rapport aux régimes luxembourgeois et néerlandais réside dans l'absence d'exonération des plus-values lors de la cession d'un brevet.
Chacun des régimes présentant ses propres caractéristiques, avantages et inconvénients, la décision finale du choix du pays d'établissement de la structure détentrice du brevet doit être analysée au cas par cas à la lumière des besoins propres du groupe de sociétés.