Chute des commandes ou du chiffre d'affaires...les entreprises du secteur privé (sociétés de services, commerces de détail, grands magasins, banques, assurances, etc.) peuvent être momentanément confrontées à un manque de travail significatif qui impacte l'activité de leurs employés au point de menacer leur emploi.
A partir d'une mesure limitée dans le temps et motivée par les circonstances économiques, le droit social belge vient de consacrer un régime qui, en cas de manque de travail pour des raisons économiques, permet aux entreprises de recourir au chômage temporaire pour les employés, les conditions d'application étant cependant sensiblement différentes de celles qui existent déjà pour les ouvriers. Ainsi, les entreprises disposent d'un outil juridique supplémentaire lorsqu'il s'agit de décider d'une éventuelle restructuration liée à des difficultés économiques. L'avenir dira s'il s'avère utile dans un tel contexte.
En 2009, le législateur belge a adopté différentes mesures destinées à faire face à la crise économique et financière. Parmi celles-ci, un régime de chômage économique temporaire applicable aux employés a été mis sur pied. Il s'agissait de permettre à certaines entreprises, confrontées à un manque de travail pour raisons économiques, de suspendre, pour un temps, totalement ou partiellement, le contrat de travail de leurs employés. Selon les déclarations ministérielles, ce type de mesure, bien qu'affectant en pratique nettement moins les employés que les ouvriers, aurait permis d'éviter des licenciements en 2009 et 2010.
Cette mesure, prévue à l'origine pour une durée déterminée, a été reconduite à plusieurs reprises pour finalement devenir définitive à partir du 1er janvier 2012. Même s'il peut être constaté que, globalement, le chômage temporaire a retrouvé un niveau moyen en 2011 après les années « noires » 2009 et 2010, le législateur a considéré que ce régime méritait d'être pérennisé. La nécessaire harmonisation des statuts d'ouvrier et d'employé a pu également justifier le caractère désormais permanent de ce régime.
Des conditions de mise en œuvre bien encadrées
Cependant, les conditions d'accès au régime restent plus restrictives que celles relatives au régime similaire concernant les ouvriers. Les entreprises qui peuvent recourir à ce régime de chômage sont celles qui sont considérées comme étant « en difficulté » et qui sont liées par une convention collective de travail ou par un plan d'entreprise dûment approuvé par une commission tripartite siégeant au SPF Emploi, Travail et Concertation sociale :
• Le critère de l'entreprise en difficulté est propre au régime de chômage économique des employés. Est considérée comme étant « en difficulté », l'entreprise qui connaît une diminution de 10% au moins de son chiffre d'affaires, de sa production ou de ses commandes pour l'un des quatre trimestres précédant le recours au chômage économique et ce, par rapport au trimestre correspondant en 2008, année de référence (les pourcentages de diminution précédemment applicables étaient, selon le cas, de 15 et 20%). Le dossier à introduire auprès de l'ONEm doit être dûment étayé au moyen, notamment, de déclarations à la TVA, de pièces comptables ou de rapports au conseil d'entreprise. Peut également être considérée comme étant « en difficulté », l'entreprise qui occupe aussi des ouvriers pour lesquels le nombre de jours de chômage économique atteint au moins 10% du nombre total de jours déclarés à l'ONSS durant le trimestre précédant celui au cours duquel la notification est faite à l'ONEm.
• L'entreprise en difficulté doit, par ailleurs, être liée par une convention collective sectorielle ou, à défaut, et en fonction notamment de la présence ou non d'une délégation syndicale, par une convention collective d'entreprise ou un plan d'entreprise approuvé, lesquels doivent contenir certaines mentions. En outre, l'entreprise doit respecter une procédure préalable à la mise en chômage. Celle-ci dure à peu près un mois et comporte notamment des notifications à l'ONEm, aux employés et à leurs représentants (conseil d'entreprise ou délégation syndicale).
L'entreprise qui remplit toutes les conditions requises peut opter pour une suspension complète du contrat de travail ou pour un régime de travail à temps réduit comportant au moins deux jours de travail par semaine. Le régime doit être instauré pour une durée minimale d'une semaine et ne peut excéder, par année civile, 16 semaines en cas de suspension totale du contrat, ou 26 semaines en cas de régime de travail à temps réduit. Le régime de travail normal peut être rétabli à tout moment moyennant une notification préalable. Attention : les employés concernés doivent avoir épuisé les jours de repos compensatoire auxquels ils ont droit, entre autres, en récupération d'heures supplémentaires ou de prestations effectuées le dimanche ou un jour férié.
Comment et par qui les employés sont-ils indemnisés ?
Les jours de chômage économique sont indemnisés par une allocation à charge de l'ONEm et un complément payé par l'entreprise (ou, le cas échéant, un Fonds de sécurité d'existence sectoriel). L'allocation est égale à 70% (pour un cohabitant) ou 75% (pour un isolé ou un chef de famille) de la rémunération journalière brute plafonnée. Cette allocation est soumise au précompte professionnel. En cours d'application du régime de chômage économique, l'employeur doit régulièrement établir et délivrer différents formulaires de chômage permettant notamment à l'employé d'introduire une demande d'allocation.
L'indemnité complémentaire à charge de l'employeur est fixée par la convention collective sectorielle ou d'entreprise, ou encore, par le plan d'entreprise. Son montant doit être au moins équivalent à celui de l'indemnité payée aux ouvriers de l'entreprise qui bénéficient d'une allocation de chômage pour raisons économiques. En l'absence d'ouvriers dans l'entreprise, ce montant doit être au moins égal à celui prévu par la convention collective sectorielle que l'employeur devrait respecter s'il occupait des ouvriers. L'indemnité ne peut cependant être inférieure à 5 euros par jour non travaillé. Elle est soumise au même précompte que l'allocation de chômage. La commission « Plans d'entreprise » du SPF Emploi peut cependant accorder une dérogation à ce minimum sans toutefois pouvoir descendre sous 2 euros par jour et ce, lorsque l'entreprise a conclu un accord sur ce point avec les employés ou que la commission estime à l'unanimité que la dérogation est raisonnable.
A suivre
Bien que l'expression de « chômage économique » soit utilisée indifféremment qu'il s'agisse d'employés ou d'ouvriers, les régimes légaux mis en place pour ces deux catégories de salariés présentent des différences notables. Sur ce plan, l'harmonisation des statuts - question délicate s'il en est - n'est pas réellement au rendez-vous.