20/06/14

« Le statut unique entre ouvrier et employé » - Troisième partie – La motivation du licenciement

Le Conseil National du Travail a adopté le 12.02.2014 la CCT n° 109 concernant la motivation du licenciement. Elle entrera en vigueur le 01.04.2014.

Sauf les exceptions limitativement énumérées dans la CCT (avant 6 mois d’ancienneté, intérimaires, étudiants, en vue du chômage avec complément d’entreprise, en vue de mettre fin à partir du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel le travailleur atteint l’âge légal de la pension, en cas de licenciement collectif, fermeture d’entreprise ou cessation définitive d’activité, en cas de procédure spécifique de licenciement ou de licenciement multiple en cas de restructuration), tout travailleur licencié à compter du 01.04.2014 aura le droit de demander à son employeur les motifs concrets de son licenciement moyennant une lettre recommandée envoyée au plus tard deux mois après que le contrat de travail aura pris fin ou dans les six mois si l’employeur a notifié un préavis sans pouvoir cependant excéder deux mois après la cessation du contrat.

L’employeur, qui ne les a pas communiqué d’initiative, disposera d’un délai de deux mois à compter du troisième jour ouvrable suivant la date de l’envoi du recommandé du travailleur pour communiquer également par lettre recommandée les éléments permettant au travailleur de connaître les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement, sous peine de quoi il sera automatiquement redevable d’une amende civile forfaitaire équivalente à deux semaines de rémunération.

Par ailleurs, en cas de licenciement manifestement déraisonnable défini comme le licenciement d’un travailleur engagé pour une durée indéterminée, qui se base sur des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, et qui n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable, l’employeur encourt l’obligation de payer une indemnité équivalente à minimum 3 semaines de rémunération et de maximum 17 semaines de rémunération, le montant de l’indemnisation dépendant de la gradation du caractère manifestement déraisonnable. Cette indemnité est cumulable dans le chef du travailler avec l’amende civile de deux semaines susvisée.

La charge de la preuve de l’absence de caractère déraisonnable incombe toujours à l’employeur sauf s’il n’a pas communiqué d’initiative les éléments permettant au travailleur de connaître les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement et que le travailleur n’a pas adressé de demande par lettre recommandée à l’employeur dans les deux mois de la fin du contrat ou dans les six mois de la notification du préavis.

Le contrôle du caractère manifestement déraisonnable doit être marginal, les tribunaux ne pouvant se substituer à l’employeur pour apprécier l’opportunité de la gestion de l’employeur.

Enfin, les ouvriers travaillant dans certains secteurs d’activité (dont la confection, la construction, les grandes entreprises de vente au détail) dans lesquels les délais de préavis étaient fixés au 31.12.2013 par arrêté royal sur proposition de la commission paritaire, qui bénéficient de délais de préavis dérogatoires temporaires en exécution de la loi du 26.12.2013 créant le statut unique et dont le contrat de travail est rompu entre le 01.04.2014 et le 31.12.2017 pourront encore faire valoir le droit au paiement d’une indemnité équivalente à six mois de rémunération en cas de licenciement abusif. La CCT n° 109 défini le licenciement abusif comme le licenciement d’un travailleur engagé pour une durée indéterminée pour des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service.

La CCT n° 109 crée donc, d’une part, une obligation de motivation à la carte (le travailleur licencié étant libre d’actionner ou non son droit à l’information, l’employeur pouvant par ailleurs prendre l’initiative de communiquer les motifs à l’origine du licenciement sans attendre la décision du travailleur) et, d’autre part, une présomption réfragable de licenciement manifestement déraisonnable qui ne manquera pas de donner lieu à de nombreuses procédures judiciaires ne fusse qu’au motif que la hauteur de la sanction est laissée – entre le minimum et le maximum - à l’appréciation souveraine des tribunaux.

dotted_texture