Il peut arriver qu'un travailleur se rende coupable d'une faute qui ne constitue pas nécessairement un motif grave en tant que tel mais qui peut acquérir la nature d'un motif grave par son caractère habituel.
Le caractère répétitif de la faute peut lui conférer la gravité requise. En pareil cas, c'est à la partie qui rompt le contrat de décider à partir de quel moment le seuil de gravité est atteint.
Peuvent dès lors constituer un motif grave justifiant le licenciement par la régularité à laquelle cela se produit :
- une absence injustifiée qui se répète à diverses reprises[1];
- une négligence persistante d'établir les rapports quotidiens qui doivent permettre à l'employeur de contrôler l'activité [2];
- le fait qu'un travailleur se trouve à plusieurs reprises au travail en état d'ivresse ou d'intoxication alcoolique[3] ;
La question qui se pose ici est double.
Tout d'abord, la question de savoir si la partie qui procède au licenciement dispose dans ce cas d'une « certitude suffisante » pour procéder au licenciement pour motif grave en connaissance de cause ou, en d'autres termes, la question du point de départ du délai de trois jours ouvrables lorsqu'une situation donnée s'est produite pendant un certain temps.
La deuxième question est de savoir si le fait que l'employeur a toléré une situation de fait pendant cette (longue) période n'ôte pas leur caractère grave à ces faits. En d'autres termes, combien de temps l'employeur peut-il tolérer certains comportements pour qu'ils puissent encore constituer un motif grave ?
En cas de motif grave permanent, le moment de procéder au licenciement pour motif grave peut uniquement être déterminé par la partie qui procède au licenciement. Elle seule détermine quand la faute qui s'est produite de manière répétée ou pendant une longue période justifie un tel licenciement.
Bien que l'employeur dispose du droit de déterminer lui-même le moment auquel il peut invoquer le motif grave, il faut tenir compte du fait que la durée de la « période de tolérance » peut avoir une influence sur l'appréciation du caractère grave du motif invoqué.
Il est donc conseillé, en cas de faute permanente, de mettre le travailleur en demeure (par écrit) et, le cas échéant, de lui poser un ultimatum à l'expiration duquel les faits ne seront plus tolérés.
Si, à l'expiration de l'ultimatum posé, le travailleur persiste dans les fautes reprochées, un motif grave fondé pourra être invoqué avec plus de chances de succès dans les trois jours ouvrables suivant cette expiration.
En effet, à l'expiration de l'ultimatum, l'employeur acquiert la « connaissance suffisante ».
Dans un arrêt du 13 novembre 2009, la Cour de cassation a rappelé implicitement tous ces principes en cassant un arrêt de la cour du travail de Mons, dans lequel le droit de l'employeur de déterminer à partir de quand un manquement n'était plus acceptable n'avait pas été reconnu.
[1] C.T.Liège, 03.11.1982, Jur.Liège, 1983, 105 ; C.T.Bruxelles, 23.03.1983, R.D.S., 1983, 301 (somm.)
[2] C.T.Bruxelles, 30.10.1984, J.T.T., 1985, 246 ; C.T.Bruxelles, 20.11.1984, R.D.S., 1984, 577)
[3] T.T. Bruxelles, 03.09.1984, J.T.T., 1985, 479