1. Introduction
1.- La présente contribution a pour objet l’examen des nouvelles règles de concurrence européennes adoptées par la Commission européenne, le 14 décembre 2010, en matière d’accords de coopération horizontale, c'est-à-dire pour tous les accords conclus entre des entreprises concurrentes.
La Commission européenne a, en effet, jugé utile de clarifier et compléter les règles de concurrence aux accords de coopération horizontale pour promouvoir la stratégie « Europe 2020 » de la Commission notamment en encourageant l’innovation et la compétitivité des entreprises tout en assurant aussi le bien être des consommateurs. C’est dans cette perspective que deux Règlements d’exemption relatifs (i) aux accords de recherches et de développement (C(2010) 8956/3) et (ii) aux accords de spécialisation (C (2010) 8957/3) ainsi que des lignes directrices générales relatives aux accords de coopération horizontale faisant le point sur la méthode à suivre pour l’analyse juridique et économique des accords , ont été adoptés.
2.- Les nouveaux Règlements Européens du 14 décembre 2010 concernant l’application de l’article 101, §3 du Traité (ci-après les « Règlements »), entreront en vigueur le 1er janvier 2011 et remplaceront les précédents Règlements du 29 novembre 2000. Les Règlements seront assortis d’une période de transition de deux ans, soit jusqu’au 1er janvier 2013. Au cours de celle-ci, les règlements précédents resteront en vigueur pour les accords qui y sont conformes, mais qui ne sont pas couverts par les nouveaux Règlements. Les lignes directrices horizontales sont quant à elles entrées en vigueur le 6 janvier 2011.
Les modifications majeures apportées par ce nouvel arsenal de règles juridiques concernent principalement la normalisation, l’échange d’information, les accords de spécialisation ainsi que les accords de recherche et de développement (R&D).
2. Les grandes lignes de la réforme
3.- L’objectif de la réforme est avant tout de préciser les conditions auxquelles certains concurrents peuvent coopérer sans enfreindre les règles de la concurrence de l’UE.
Les nouvelles règles se veulent plus accessibles et claires. Les entreprises sauront mieux quels sont les types d’accords autorisés et les consommateurs seront protégés des accords susceptibles d’entraîner une hausse des prix ou une réduction du choix de l’innovation.
Dans ce contexte, les Règlements exemptent de l’application des règles de concurrence certains accords en matière de R&D, de spécialisation et de production conjointe en dessous d’un certain seuil de parts de marché.
Les lignes directrices ont été substantiellement modifiées par rapport à leur ancienne version. Elles innovent en incorporant un chapitre relatif à la normalisation mais surtout un nouveau chapitre consacré à l’échange d’informations.
3. Les Règlements réformés
5.- Les Règlements exemptent donc d’une part, les accords de R&D et d’autre part, les accords de spécialisation et de production conjointe.
Ces Règlements sont basés sur la présomption selon laquelle ces accords ne devraient pas avoir d’effets anticoncurrentiels pour autant que ces accords sont conclus entre des entreprises détenant un pouvoir de marché limité. Ce pouvoir de marché se traduit par une part de marché n’excédant pas 25% dans le cas d’accords R&D et n’excédant pas 20% dans le cas d’accords de spécialisation et de production conjointe (« sphère de sécurité »)
6.- Le champ d’application du Règlement R&D a été largement étendu et couvre désormais non seulement les activités de R&D réalisées conjointement, mais aussi les accords portant sur des « activités rémunérées de recherche », c'est-à-dire des activités financées par l’une des parties à l’accord et réalisées par l’autre. Le nouveau Règlement permet aussi aux parties d’exploiter conjointement les résultats R&D.
7.- Le Règlement de spécialisation s’appliquera à des accords de spécialisation même si l’une des parties ne cesse la production que partiellement.
4. Les lignes directrices horizontales
8.- Le chapitre sur la normalisation a pour but de fournir des indications claires et précises sur le processus de normalisation par rapport aux règles d’exemption de concurrence de façon à ce que les avantages spécifiques découlant de cette normalisation soient répercutés sur le secteur concerné et les consommateurs. Il précise les modalités selon lesquelles un processus de sélection des normes industrielles est concurrentiel et assure que les destinataires finaux, bénéficieront, une fois la norme adoptée, d’un accès à celle-ci dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoire (« FRAND »).
9.- Le nouveau chapitre consacré à l’échange d’informations est quant à lui le premier document de la Commission qui donne des indications claires sur les modalités d’appréciation de la comptabilité des échanges d’information avec le droit de la concurrence.
Fort logiquement, les échanges de données individualisées sur les prix et les quantités sont considérées comme susceptibles de restreindre la concurrence et d’entraîner des effets négatifs pour les consommateurs. La suite du chapitre fournit des éclaircissements sur l’évaluation des effets restrictifs et des gains d’efficacité des échanges d’informations qui ne sont pas anticoncurrentiels (par exemple, dans le cas de statistiques ou de comparaison).
5. Conclusion
10.- Dans l’ensemble, force est de constater que les innovations apportées par les Règlements ne sont pas considérables mais ces Règlements ont, de manière substantielle, modernisé le champ d’application des précédents règlements.
Les innovations les plus majeures proviennent certainement des lignes directrices qui ont intégré le premier document européen relatif au problème épineux des échanges d’informations qui comporte un certain nombre d’exemples concrets qui aideront les entreprises et leurs conseillers juridiques à apprécier les situations types d’échanges d’informations.
11.- Ces innovations auront certainement un impact significatif dans le droit de la concurrence et devront être suivies et respectées lors de la rédaction des accords de coopération à venir. Elles nécessitent aussi la revue des contrats en cours dont les clauses doivent être conformes aux nouvelles règles issues des Règlements pour bénéficier des exemptions sous peine d’être considérés comme illégaux.
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1 Les lignes directrices fournissent un cadre d’analyse juridique et économique des accords horizontaux les plus courants tels que les accords de R&D, de la production, de l’achat, de la commercialisation, de la normalisation, des conditions types et d’échange d’informations.