Dans le cadre de ce supplément juridique consacré aux Modes Alternatifs de Règlement des Conflits (MARC's) notre propos se limitera à quelques considérations relatives à l'arbitrage comme mode de règlement des conflits qui trouvent leur origine dans l'exécution (ou l'inexécution) d'obligations conventionnelles. Le Code judiciaire belge définit l'arbitrage comme étant la convention en vertu de laquelle deux ou plusieurs parties conviennent de confier à un ou plusieurs arbitres la mission de trancher entre elles un différend né ou à naître. La "convention d'arbitrage" apparaît fréquemment sous forme d'une disposition insérée par les parties contractantes dans une convention dont l'objet peut concerner, par exemple, une vente, un contrat d'entreprise, un contrat de financement, etc. Les litiges qui trouvent leur cause dans l'exécution (ou l'inexécution) des obligations contractuelles constituent par conséquent le domaine d'élection de l'arbitrage organisé soit par le Code judiciaire belge, soit – lorsqu'ils s'appliquent – par des traités internationaux.
Le développement de l'arbitrage en Belgique est un phénomène relativement récent
La loi belge sur l'arbitrage date du 4 juillet 1972. Cette loi insérait dans le Code judiciaire les dispositions de la loi uniforme issue d'une convention européenne en matière d'arbitrage. Avant cette loi de 1972, le recours à l'arbitrage entre parties établies en Belgique était relativement exceptionnel en raison des conditions restrictives de l'ancien Code de procédure civile de 1806 relatives à l'arbitrabilité des litiges. Depuis la loi du 4 juillet 1972, le recours à l'arbitrage comme mode de règlement des conflits a connu un développement remarquable en Belgique.
Quel est l'effet d'une clause d'arbitrage contenu dans une convention? Une convention d'arbitrage a pour effet de soustraire la solution du litige entre parties à la compétence des juridictions de l'Ordre judiciaire. Lorsqu'une clause d'arbitrage valable existe entre parties, les cours et tribunaux de l'Ordre judiciaire perdent leur compétence pour trancher le litige entre elles. Si l'une d'elles porte le différend devant un tribunal de l'Ordre judiciaire, le juge est tenu de se déclarer incompétent.
Pourquoi des entreprises ou des particuliers ont-ils recours à des arbitres qu'il faut rémunérer, alors que la justice est un service public mis gratuitement à la disposition des justiciables?
Quels sont les avantages de l'arbitrage? Les parties qui y ont recours y voient principalement trois avantages. Le premier est la faculté (fréquente dans la pratique) de renoncer à toute possibilité d'appel. Les arbitres statuent en ce cas en dernier ressort, sans possibilité pour la partie qui succombe dans la procédure d'arbitrage de tenter d'obtenir une réformation devant d'autres arbitres. Le deuxième avantage est une plus grande souplesse de la procédure ce qui permet aux arbitres d'adapter la procédure de l'arbitrage aux besoins spécifiques du litige dont ils sont saisis. Ainsi par exemple, lorsque le litige requiert de longues auditions de témoins, les audiences d'arbitrage peuvent se prolonger pendant plusieurs jours, voire pendant plus d'une semaine, chose difficilement concevable devant les tribunaux de l'Ordre judiciaire compte tenu de leur charge de travail. Le troisième avantage est la discrétion de l'arbitrage : les audiences ne sont pas publiques; les sentences d'arbitrage restent en principe confidentielles.
L'arbitrage n'est certes pas la procédure qui s'impose absolument par préférence à tout autre mode de règlement des conflits. Nous avons en Belgique un système judiciaire qui, dans la très grande majorité des cas, fonctionne remarquablement bien. Cependant, lorsque les parties sont établies dans des pays différents, un phénomène de méfiance vis-à-vis des institutions judiciaires de l'autre partie se rencontre et c'est tout naturellement que les parties choisiront l'arbitrage comme mode de règlement des différends entre elles.
Ceci explique le développement de l'arbitrage en Belgique depuis une quarantaine d'années. Chaque année, des milliers de litiges sont ainsi soumis et résolus en Belgique par les arbitres.
Le champ d'application de l'arbitrage (ce que l'on dénomme "l'arbitrabilité" du litige) n'a cessé de croître. Au départ confinée dans le domaine strictement contractuel entre entreprises commerciales, la compétence des arbitres a été reconnue dans les domaines les plus divers. Les arbitres peuvent par exemple prendre des décisions qui s'imposeront à tous (et donc pas seulement aux parties qui ont soumis leur différend aux arbitres). Ainsi des arbitres peuvent prononcer la nullité d'une société et leur décision s'imposera à tous si cette décision fait l'objet des publications prévues par le Code des sociétés. Les arbitres peuvent également par exemple prononcer la nullité d'un brevet. En outre, les arbitres peuvent se prononcer sur l'application de dispositions d'ordre public comme par exemple la contrariété d'une convention à une loi d'ordre public ou une norme européenne.
Mais y a-t-il en définitive des matières qui échappent à la compétence des arbitres ?
Le Code judiciaire impose effectivement deux types de restriction à l'arbitrabilité d'un litige. Tout d'abord les personnes morales de droit public (l'Etat, les Régions, les provinces, les communes, les CPAS, etc.) ne peuvent conclure une convention d'arbitrage que pour le règlement de différends relatifs à l'exécution d'une convention. Ensuite l'arbitrage n'est permis que pour trancher un litige relatif à un rapport de droit sur lequel il est permis de transiger. Ce qui est hors commerce ne peut faire l'objet d'une transaction et par voie de conséquence, les litiges relatifs à ce type de rapports de droit ne peuvent être soumis à l'arbitrage. Il existe donc des domaines du droit qui échappent à la compétence des arbitres. Ce sont – de manière très sommairement résumées – les matières où s'exerce la puissance publique : le droit de la famille, le droit pénal, le droit fiscal et les "voies d'exécution" (c'est-à-dire la mise à exécution - le cas échéant - forcée de décisions de justice, en ce compris les décisions des arbitres). Ceci étant, les modes alternatifs de règlement des conflits interviennent, mais – serait-on tenté de dire – à la marge, même dans ces matières : médiation familiale, médiation pénale, conciliation fiscale.
Hormis ces matières qui constituent dans tous les pays le "noyau dur" des compétences des juridictions étatiques, le domaine de compétence des arbitres, l'arbitrabilité des litiges, a connu au cours des quarante dernières années un remarquable développement.