La fin des split sales – aperçu des alternatives à la structuration des acquisitions immobilières : vente classique, démembrement entre parties non liées, emphytéose orpheline, cession d’actions
La nouvelle disposition anti-abus de l’article 18 §2 du Code des droits d’enregistrement marque la fin des split sales telles qu’elles étaient pratiquées fréquemment depuis plusieurs années.
Dans ce contexte, quelles sont les structures alternatives d’acquisition qui peuvent être envisagées.
La vente classique
La première qui vient à l’esprit est bien entendu la vente classique, sans démembrement, de la pleine propriété d’un actif immobilier. Certes, elle implique un coût élevé en terme de droits d’enregistrement mais elle offre incontestablement la meilleure sécurité sur le plan fiscal.
A ce sujet, il est à noter que les immeubles qui faisaient généralement l’objet de split sales (typiquement les immeubles de bureaux à Bruxelles) devraient logiquement connaitre dans un proche avenir une légère décote en terme de prix de vente. Les acquéreurs ont en effet pour habitude de déterminer leur prix d’achat « acte en mains », c’est-à-dire une fois les éventuels droits de mutation acquittés.
La valorisation des SICAFI devrait également, à terme, être impactée. Jusqu’ici, l’Association Belge des Asset Managers (BEAMA), interprétant la norme IAS 40, considérait en effet que les frais de transactions pour les biens de plus de EUR 2.500.000 était de l’ordre de 2,5%, en raison principalement du recours fréquent aux split sales. Ce pourcentage devra nécessairement être revu à la hausse, dans une proportion et un timing qui demeurent toutefois incertains à ce jour.
Le démembrement entre parties non liées
Un démembrement entre deux parties totalement indépendantes demeure bien entendu possible sur le plan des principes.
Sur le plan économique, un tel démembrement ne peut toutefois être viable que pour autant que le tréfoncier perçoive un rendement annuel raisonnable, de l’ordre de 3 à 4% par exemple. La nécessité de rémunérer le tréfoncier pendant la durée du droit d’emphytéose impliquera nécessairement une décote du canon unique offert par l’emphytéote au cédant.
Le fonds d’investissement qui viendrait à se spécialiser dans l’acquisition de tréfonds devra également composer, le cas échéant, avec les exigences des banques finançant l’acquisition des droits d’emphytéose. Ces banques exigeront fort probablement, à tout le moins, une hypothèque traçante sur le tréfonds. Le tréfoncier devra examiner avec attention le risque qu’il court en conférant une telle hypothèque ; cette prise de risque devra par ailleurs être rémunérée, ce qui pourrait contribuer à augmenter les sources de revenus et la rentabilité du fond.
L’emphytéose orpheline
Ces emphytéoses ont connu un certain succès entre 2006 et 2008. Le contexte de l’époque était particulier à deux titres. D’une part, le marché était excessivement « financier » au sens où prédominait sur toute autre considération le volume des cash flow générés par l’immeuble. D’autre part, le service des décisions anticipées de l’administration fiscale avait, durant cette période, retiré les lignes directrices à suivre pour un split sale dit « sécurisé », ce qui faisait planer un doute sérieux sur leur pérennité. Plusieurs acteurs ont alors préféré se contenter de ne n’acquérir « que » l’emphytéose.
Les avantages de l’emphytéose orpheline sont essentiellement des droits de mutation limités (2%), une sécurité fiscale (pour autant que le droit de l’emphytéote ne soit pas excessivement dénaturé) et une durée pouvant atteindre 99 ans.
Les inconvénients tiennent quant à eux à la dévalorisation progressive du droit, à la moindre liquidité du bien sur le marché mais aussi aux difficultés de financement et à l’absence de maîtrise du tréfonds.
Attardons nous brièvement sur ces deux derniers inconvénients.
Sur le plan du financement, comme évoqué plus haut, le fait pour le tréfoncier de consentir une hypothèque – fut-ce traçante – sur son tréfonds devra être rémunéré à sa juste valeur.
Dans l’hypothèse où le tréfonds ne serait pas hypothéqué, les bailleurs de fonds de l’emphytéote devront bien entendu essayer de se prémunir au maximum contre un risque de résiliation anticipé du droit d’emphytéose ; ce risque pourrait principalement survenir à la suite d’une méconnaissance par l’emphytéote de ses obligations. Si celles-ci consistent généralement essentiellement dans le paiement de la redevance annuelle recognitive (dont la banque sollicitera généralement de pouvoir effectuer le paiement en lieu et place de l’emphytéote en cas de défaut), elles peuvent dans certaines hypothèses être nettement plus diverses. On pense par exemple aux obligations en terme d’emploi, d’activité ou d’affectation fréquemment imposées par des autorités publiques tréfoncières. Le contrôle du respect de ces obligations par la banque est alors nettement moins aisé.
Le deuxième inconvénient pointé est l’absence de maîtrise du tréfonds. Peut-on imaginer que, pour y remédier, l’emphytéote se voit consentir une option d’achat sur celui-ci ? Dans ce cas, le prix du tréfonds devrait logiquement augmenter avec le temps, de telle sorte que l’intérêt de lever l’option irait quant à lui décroissant.
L’alternative serait de convenir d’un prix d’exercice de l’option qui soit fixe et peu élevé. Un tel accord pourrait toutefois être vu d’un mauvais œil par l’administration fiscale, laquelle pourrait chercher à requalifier l’opération en une vente à terme. D’autres pistes susceptibles d’atténuer ce risque sont l’engagement de céder à un tiers identifié ou encore le simple engagement de collaboration en cas d’exit, sans toutefois qu’il puisse être assimilé à un mandat irrévocable de vendre.
La cession d’actions
C’est sous cette forme que se font actuellement la majorité des grandes opérations immobilières. Ces structures ne sont a priori pas mises en péril par la nouvelle disposition anti-abus puisqu’il existe généralement de nombreux motifs non fiscaux justifiant de procéder de la sorte.
La prudence s’impose toutefois notamment lors de la commercialisation d’un bien et des échanges entre parties ; l’existence d’autres actifs – fut-ce de moindre importance - dans la société peut également concourir à écarter tout risque de requalification.