Depuis 2005, la loi sur les faillites du 8 août 1997 offre le droit à une personne physique, qui s’est constituée caution personnelle à titre gratuit envers un créancier du failli, de solliciter auprès du tribunal la décharge de son engagement. Quels sont les conditions que doit remplir la caution personnelle en vue de bénéficier de cette faculté ?
A la faveur d’un jugement rendu le 15 décembre 2010, la Cour d’appel de Mons a rappelé non sans intérêt les règles qui régissent la question, souvent délicate, de la décharge des cautions à titre gratuit lorsque le débiteur principal tombe en faillite.
Les faits de la cause sur lesquels la Cour s’est penchée témoignent d’une situation familiale assez fréquente, aux conséquences potentiellement dramatiques : un parent se porte caution solidaire à titre gratuit de l’engagement financier de son fils (il s’agit souvent une condition sine qua non de l’octroi du crédit), qui par la suite tombe en faillite et se retrouve incapable d’honorer sa dette. En l’occurrence dans l’affaire soumise à la Cour d’appel, Monsieur X., commerçant fleuriste fut déclaré en faillite sur aveu quelques jours après la conclusion d’un contrat de financement de son véhicule professionnel, dont sa mère, Madame Y., s’est portée caution solidaire. Sollicitant la décharge de son engagement, la Cour s’est attelée en premier lieu à examiner la réunion des cinq conditions telles qu’elles ressortent de l’article 80, alinéa 3, de la loi sur les faillites. Il convient que ce soit :
- une personne physique,
- qui s’est constituée sûreté personnelle ;
- que son engagement le soit à titre gratuit ;
- que son obligation soit disproportionnée à ses revenus et à son patrimoine ;
- et qu’elle n’a pas frauduleusement organisé son insolvabilité.
A la lumière des travaux parlementaires, il apparait que le législateur a voulu permettre la décharge uniquement des personnes physiques qui, par leur obligeance (et leur imprudence), se retrouvent obligées à la dette du failli, alors qu’elles n’ont aucun intérêt personnel dans le paiement de ces dettes.
D’après la jurisprudence de la Cour de cassation, la nature gratuite – interprétée comme l’absence d’intérêt personnel – de la caution consiste dans le fait qu’elle ne peut retirer aucun avantage économique, tant directement qu’indirectement, de son engagement. En outre, le fait que la sureté personnelle ait ou non stipulé une contrepartie concrète en échange de son engagement n’est pas un élément déterminant pour analyser le caractère gratuit ou désintéressé de cet engagement.
Sur base de ces principes, affinés au fil de la jurisprudence, la Cour d’appel de Mons a jugé, à bon droit, que le contrat de cautionnement signé par Madame Y. ne remplissait pas toutes les conditions dégagés ci-avant pour solliciter la décharge de son engagement. En l’espèce, Madame Y. manifestait, au travers d’un faisceau de présomptions concordants, un intérêt personnel à la conservation et à l’acquisition in fine du véhicule de son fils si bien que son engagement ne pouvait être qualifié de « gratuit » au sens de la loi et de la jurisprudence.
Sans être novateur sur ce sujet, cet arrêt apporte un éclairage bienvenu sur les balises gouvernant la décharge des suretés personnelles du failli, qui dans un élan purement libéral, n’ont pas pris la mesure de la portée, ni des conséquences de leur cautionnement.