30/10/10

Assurances de responsabilités Expertise et prescription

Une dame fut victime d’un accident de la circulation le 19 juillet 1998.

Les parties ont convenu de fixer son préjudice sur base d’un rapport médical établi conjointement par les médecins conseil des parties.

Le 20 septembre 1999, l’assureur RC de la personne ayant causé l’accident écrivait au conseil de la victi-me, lui transmettant le rapport, lui précisant que le principe de son indemnisation n’était pas contesté et lui demandant de lui adresser sa réclamation.

N’ayant reçu aucune réclamation, l’assureur adressait un rappel en date du 21 décembre 1999.

Ce n’est que par un courrier daté du 24 février 2006 que le conseil de la victime interpellait l’assureur qui lui répondit le 2 mars 2006 en lui rappelant ses deux précédents courriers et en lui précisant que sa de-mande était prescrite.

La victime contesta cette prescription au motif que son préjudice n’était pas chiffré à ce moment et que des « pourparlers » étaient en cours quant à l’indem-nisation si bien que la prescription ne courait pas. Elle contesta par ailleurs la validité du courrier adressé par l’assureur à son conseil, estimant que la lettre par laquelle la compagnie d’assurances informe la per-sonne lésée de sa décision d’indemnisation (ou son refus) doit être faite à la personne lésée elle-même, alors que cette correspondance a été adressée à son conseil.

Concernant la problématique de la prescription, la victime affirmait que le courrier de la compagnie daté du 20 septembre 1999 ne consistait pas en une notifi-cation claire de sa décision d’indemniser la victime « par tel montant, à prendre ou à laisser ».

Or si l’article 35 § 3 stipule que la prescription est interrompue par la déclaration de sinistre de la per-sonne lésée faite à l’assureur, cette disposition préci-se par ailleurs que cette interruption cesse au mo-ment où l’assureur fait connaître par écrit sa décision d’indemnisation ou son refus.

L’article 35 de la Loi de 1992 n’a pour but, en réali-té, que de proté-ger les intérêts des personnes lésées qui peuvent se limiter à introduire une demande d’in-demnisation au-près d’une compa-gnie d’assurance, sans devoir réité-rer, comme sous l’ancien régime, des pourparlers, c’est-à-dire des négociations entre elle et la compagnie d’assurance.

Cette protection cesse cependant lorsque l’assureur fait connaître sa décision d’indemniser ou de ne pas indemniser.

Tant le tribunal de Police saisi de la demande de la victime que le juge d’appel déclarèrent la demande prescrite.

Leur raisonnement est le suivant :

- La prescription de l’action de la victime contre l’as-sureur RC du responsable est de cinq ans.

- Si ce délai a été interrompu par la demande de la victime d’être indemnisée, cette interruption a cessé le jour de l’envoi du courrier de la compagnie d’assu-rances qui lui a confirmé que le principe de l’indemni-sation n’était pas contesté (soit le 20 septembre 1999), ce qui signifie que l’action était prescrite le 21 septembre 2004.

Ce courrier – clair et non équivoque – constitue une « décision d’indemnisation » parfaitement valable au sens de l’article 35 § 4 de la Loi du 25 juin 1992 dès lors que ce texte ne prévoit pas que la décision d’in-demnisation doit s’accompagner d’une évaluation chiffrée.

Le juge d’appel a rappelé que le Professeur DUBUIS-SON précisait, après avoir rappelé le mode d’inter-ruption visé par l’article 35, que « le déséquilibre dans le choix des moyens traduit bien le souci de protection des victimes. Celles-ci devront néanmoins rester vigi-lantes car, ainsi qu’on l’a observé, le délai reprend son cours quel que soit le sens de la décision prise par l’assureur, donc même si le dossier est encore loin d’être réglé » (B. DUBUISSON, « L’action directe et l’action récursoire », in La loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre – Dix années d’applica-tion, Actes du Colloque du 19 septembre 2002, Bruxelles, Bruylant, Collection Droit des Assurances n° 13, p. 175).

- Si la notification de l’intention de l’assureur, dans le cadre de l’action récursoire, répond à des exigences de garantie des intérêts de l’assuré qui va faire l’objet d’un recours, ces exigences ne sont pas du même ordre que celles qui prévalent lorsqu’un assuré man-date lui-même, au préalable, un conseil dans le cadre de la poursuite de la défense de ses intérêts, si bien que la « décision » de l’assureur a valablement été adressée au conseil de la victime.

A tout le moins, ce conseil est-il apparu légitimement, pour l’assureur, comme investi du mandat apparent de recevoir un tel acte.

En décidant de la sorte, les juges saisis de la demande ont donc clairement confirmé que si le principe de l’indemnisation est acquis par une lettre de l’assureur à la victime qui confirme la prise en charge du sinis-tre, il n’est pas nécessaire que le quantum du préjudi-ce puisse être évalué au jour de l’acceptation de l’as-sureur. L’expertise qui serait mise en mouvement postérieurement à cette lettre de l’assureur ne cons-titue donc pas des « pourparlers » au sens de la loi ancienne et n’a dès lors pas pour effet d’interrompre la prescription.

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