De quoi s'agit-il ?
Les faux indépendants exécutent leurs prestations de travail sous le statut d'indépendants mais travaillent, dans les faits, sous l'autorité d'un l'employeur. Les conséquences pour le commettant, en cas de requalification de la relation de travail en un contrat de travail, sont énormes : les cotisations de sécurité sociale doivent être payées sur le salaire. Ces montants sont augmentés par une majoration de cotisations de 10% et par des intérêts de retard de 7%. De plus, le travailleur peut exiger tous les avantages des travailleurs salariés comme par exemple réclamer des arriérés de pécules de vacances. Enfin, des sanctions pénales ou administratives sont possibles.
Présomption dans le secteur de la construction
Dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale, la loi du 25 août 2012 a introduit, pour certains secteurs déterminés, une présomption légale (réfragable) de contrat de travail. Le secteur de la construction constitue l'un de ces secteurs.
Le mécanisme de la présomption légale consiste en l'énumération de neufs critères socio-économiques permettant de présumer l'existence d'un contrat de travail dès lors que cinq des neufs critères sont remplis. A l'inverse, la relation de travail est présumée indépendante lorsque plus de la moitié de ces critères ne sont pas remplis.
Pour l'exécution de certains travaux immobiliers, l'AR du 7 juin 2013 fixe désormais des critères spécifiques relatifs à la nature des relations de travail. L'AR est applicable pour toutes les activités immobilières telles que définies dans la législation relative à la T.V.A. De plus, les activités doivent relever du champ d'application :
- soit de la commission paritaire de l'ameublement et de l'industrie transformatrice du bois (CP n° 126)
- soit de la commission paritaire de la construction (CP n° 124)
- soit de la commission paritaire de la construction métallique, mécanique et électrique (CP n° 111)
- soit de la sous-commission paritaire pour les électriciens : installation et distribution (Sous-CP n° 149.1).
Les critères spécifiques sont les suivants :
1. Défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, d'un quelconque risque financier ou économique, comme c'est notamment le cas :
- à défaut d'investissement personnel et substantiel dans l'entreprise avec du capital propre, ou
- à défaut de participation personnelle et substantielle dans les gains et les pertes de l'entreprise, ou
- à défaut de responsabilité personnelle, autre que portant sur un dol, une faute lourde ou une faute légère habituelle, appréciée, le cas échéant, notamment en fonction du cahier des charges ou de tout autre engagement, vis-à-vis des travaux réalisés ;
2. Défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, de responsabilité et de pouvoir de décision concernant les moyens financiers de l'entreprise, comme c'est notamment le cas en ce qui concerne les dépenses, recettes, investissements ou affectation des moyens, propres ou non, de l'entreprise ;
3. Défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, de pouvoir de décision concernant la politique d'achat et des prix de l'entreprise ou de liberté dans l'identification des clients potentiels, la négociation ou la conclusion de contrats ;
4. La garantie du paiement d'une indemnité fixe quels que soient les résultats de l'entreprise ou le volume des prestations fournies dans le chef de l'exécutant des travaux. Pour l'application de ce critère, il ne doit pas être tenu compte des avances fixes relatives à l'acquisition de matériaux ou de matières premières ;
5. Ne pas avoir la possibilité d'engager du personnel ou de se faire remplacer pour l'exécution du travail convenu ;
6. Ne pas apparaître comme une entreprise vis-à-vis d'autres personnes ou de son contractant, comme c'est notamment le cas lorsqu'il n'est pas fait usage de certains éléments visibles caractérisant l'entreprise, tels des logos, lettrages sur véhicules, panneaux d'affichage ou slogans publicitaires ;
7. Travailler principalement ou habituellement pour un seul cocontractant ;
8. Travailler dans les locaux situés hors chantier ou avec du matériel dont on n'est pas le propriétaire ou le locataire, comme c'est notamment le cas lorsqu'il est travaillé dans les locaux affectés à des fins d'entreposage ou d'atelier ou avec des véhicules, matériel ou outillage dont l'exécutant des travaux n'est pas le propriétaire, qu'il n'a pas pris en leasing ou qui ont été mis à sa disposition par le cocontractant ;
9. Ne pas travailler de manière autonome vis-à-vis des équipes de travail du cocontractant ou de l'entreprise au sein de laquelle l'exécutant des travaux a la qualité d'associé actif.
Par le terme « entreprise », on vise l'entreprise qui exécute les travaux ou l'entreprise qui exécute les travaux et dans laquelle la personne qui exécute les travaux détient des actions.
Cette présomption permet à l'ONSS de mettre beaucoup plus facilement le doigt sur une fausse indépendance. En effet, si l'ONSS peut démontrer cinq des neufs critères, dans ce cas, vous devrez prouver le contraire et démontrer qu'il il est bien question d'une vraie relation indépendante. Vous pouvez fournir la preuve du contraire par toutes voies de droit mais cela ne sera pas si simple.
Que devez-vous retenir ?
Une requalification d'un contrat d'indépendant en un contrat de travail peut entraîner des conséquences lourdes.
Nous vous conseillons d'examiner les collaborations indépendantes existantes au regard des critères spécifiques et, si cela est nécessaire, d'éventuellement procéder à des adaptations. En outre, vous devrez, en pratique, exécuter le contrat de manière à ce qu'il ne s'agisse pas d'une relation d'autorité.
Bien qu'il n'existe pas de système de responsabilité solidaire pour les commettants ou les entrepreneurs principaux du chef des sous-traitants qui travaillent avec des faux indépendants, vous devez être prudents. En effet, l'ONSS pourrait frapper à votre porte par le biais d'autres voies.
Pour conclure, nous vous informons encore que lorsque vous hésitez à propos d'une relation de travail déterminée, vous pouvez demander un ruling social à la commission administrative de règlement de la relation de travail. En cas de requalification, la relation de travail peut être régularisée à des conditions plus favorables.