La Cour de Justice des Communautés européennes a rendu, le 13 décembre 2007, un arrêt important relatif à la compétence judiciaire territoriale en matière d’assurance (arrêt C-463/06).
Dans cet arrêt, la Cour de Justice a consacré la possibilité pour une personne lésée d’intenter une action directement contre l’assureur du responsable devant le tribunal du lieu du domicile de cette personne lésée pour autant (i) que la personne lésée soit domiciliée dans un Etat membre, (ii) que l’assureur du responsable soit établi dans un autre Etat membre et (iii) que l’action directe soit possible.
En droit belge, la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre consacre, en son article 86, le droit pour une personne lésée d’exercer directement son recours contre l’assureur du responsable.
En cas de litige avec cet assureur, la personne lésée peut décider d’intenter une action en justice. Dans ce cas, elle pourra citer l’assureur en Belgique (i) soit devant le juge du lieu où s’est produit le fait générateur du dommage, (ii) soit devant le juge de son propre domicile, (iii) soit devant le juge du siège de l’assureur (art. 15 de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs).
Mais qu’en est-il lorsque l’accident se produit à l’étranger ? La personne lésée est-elle toujours autorisée à appliquer ces mêmes principes ?
En cas de litige présentant un élément d’extranéité, le Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Règlement Bruxelles I », prévoit, de manière générale, que le juge compétent est celui du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.
Cependant, le Règlement Bruxelles I contient des règles particulières en matière d’assurances. Dès lors, comment faut-il interpréter le Règlement Bruxelles I lorsque l’accident a lieu à l’étranger et que l’assureur du responsable est établi à l’étranger ?
C’est à cette question que la Cour de Justice a tenté de répondre dans son arrêt du 13 décembre 2007.
Les faits ayant donné lieu à la cause étaient les suivants: M. Odenbreidt, domicilié en Allemagne, fut victime d’un accident de la circulation aux Pays-Bas. La personne responsable de l’accident était assurée auprès d’un assureur établi aux Pays-Bas.
En tant que personne lésée, M. Odenbreidt introduisit devant l’Amtsgericht d’Aachen, la juridiction allemande du lieu de son domicile, une action directe contre l’assureur du responsable. Il fondait son action sur les articles 9, §1er et 11, §2 du Règlement Bruxelles I. L’Amtsgericht d’Aachen a déclaré l’action irrecevable au motif de l’incompétence des juridictions allemandes pour en connaître.
En degré d’appel, l’Oberlandesgericht Köln a donné raison à M. Odenbreidt et a reconnu la compétence des juridictions allemandes.
L’assureur a alors saisi le Bundesgerichtshof d’une demande en révision. Compte tenu de l’importante controverse qui existait dans la doctrine allemande au sujet de l’interprétation des articles 9, §1er et 11, §2 du Règlement Bruxelles I, le Bundesgerichtshof a préféré s’en référer à la Cour de Justice pour lui demander comment il convenait d’interpréter lesdits articles du Règlement Bruxelles I.
La Cour de Justice a conclu que les articles 9 et 11 du Règlement Bruxelles I devaient être compris en ce sens qu’une personne lésée pouvait intenter une action directement contre l’assureur du responsable devant le tribunal du lieu où elle est domiciliée pour autant (i) que la personne lésée soit domiciliée dans un Etat membre, (ii) que l’assureur du responsable soit établi dans un autre Etat membre et (iii) que l’action directe soit possible en droit national du juge saisi. La Cour de Justice a aussi clairement expliqué que la possibilité d’intenter une action directe devant le juge national n’était en rien liée à la qualification donnée à l’action directe en droit national.
Plus récemment, en Belgique, le tribunal de commerce de Turnhout a précisé, lors d’un jugement du 12 mars 2009, que les articles 8, 9 et 10 du Règlement Bruxelles I s’appliquaient à l’action intentée directement par la personne lésée contre l’assureur à condition que cette action directe soit possible dans le droit national du juge saisi. Par contre, le juge saisi ne devra pas nécessairement appliquer son droit national à la question de l’indemnisation.