Des titres de journaux et des citations comme « La transaction pénale viole la constitution » (La Libre 3 juin 2016), « La transaction pénale étendue jugée anticonstitutionnelle : quel impact sur les affaires Ecofinfisc » (L'Echo, 3 juin 2016) sont longtemps restés d'actualité, mais ont perdu toute pertinence le 12 mai 2018.
C'était pressenti depuis quelque temps déjà (voir notamment Eubelius Spotlight décembre 2017) et samedi dernier , c'est enfin arrivé : la loi du 18 mars 2018 modifiant diverses dispositions du droit pénal, du droit de la procédure et du droit judiciaire est entrée en vigueur. Cette loi vise (entre autres) à donner un nouveau souffle, au moyen d'un cadre législatif adapté, à l'extinction de l'action publique via le paiement d'une somme d'argent (mieux connue sous le nom « transaction pénale »).
L'histoire de la transaction pénale a connu une fin précoce le 2 juin 2016 lorsque la Cour constitutionnelle a jugé que la procédure de transaction pénale dans sa forme alors en vigueur violait la Constitution. La Cour a statué en ce sens, parce que la procédure pouvait encore avoir lieu après que l'action publique ait été lancée, mais sans qu'un contrôle judiciaire soit exercé sur l'extinction de l'action publique, alors qu'un tel contrôle judiciaire (par un juge d'instruction, par un tribunal ou par une cour d'appel) est toujours présent quand une affaire est éteinte par un non-lieu, un acquittement ou une condamnation. La Cour a estimé qu'il était inacceptable qu'une transaction pénale ait lieu sur la simple initiative du ministère public, tandis que les instances judiciaires compétentes ne pouvaient que vérifier la conformité des exigences formelles.
Le ministère public avait déjà tenté de répondre à cette critique en prévoyant une procédure adaptée (officieuse), mais plusieurs juges d'instruction, tribunaux et cours d'appel ont refusé d'appliquer cette procédure en raison de l'absence de cadre légal.
Le problème est maintenant réglé par la loi du 18 mars 2018 modifiant diverses dispositions du droit pénal, du droit de la procédure pénale et du droit judiciaire.
Depuis le 12 mai 2018, il est à nouveau possible de conclure (de manière légale) une transaction pénale avec le ministère public. Pour pallier aux remarques de la Cour constitutionnelle, une nouvelle procédure a été élaborée, dans laquelle le test de proportionnalité est la principale nouveauté.
Concrètement, le juge compétent devra, comme précédemment, vérifier si :
- Les faits se prêtent effectivement à une transaction pénale ; et
- La personne concernée a procédé au paiement exigé (notamment, le cas échéant, des impôts, des cotisations sociales ou de l'indemnisation due à la victime).
Néanmoins, contrairement à avant, la mission du juge ne s'arrête pas là. Le juge devra aussi vérifier si la transaction pénale proposée par le ministère public est proportionnée au regard de la gravité des faits et de la personnalité du suspect, et si celui-ci a accepté la proposition de transaction pénale de manière libre et éclairée. Le juge homologuera la transaction pénale uniquement s'il est d'avis que c'est effectivement le cas. Contrairement à ce qui valait auparavant, la somme déterminée par le ministère public ne doit plus être versée avant l’acceptation de la transaction pénale par le juge mais bien après que celui-ci ait homologué la transaction. C'est seulement après l’homologation de la transaction et le paiement que l'action publique est éteinte.
Lorsque le juge compétent refuse d'homologuer la transaction pénale ou lorsque les négociations entre les parties sont abandonnées, les documents transmis lors de la négociation doivent être retirés du dossier. Ni ces documents, ni d'éventuelles explications orales ne peuvent être utilisées contre le suspect pendant le déroulement ultérieur de la procédure. La seule influence de la transaction pénale sur la procédure pénale ultérieure est la suspension de la prescription. Depuis le 12 mai 2018, la prescription de l'action publique est en effet suspendue à partir de la proposition ou demande de transaction pénale jusqu'à la décision du juge de ne pas entériner celle-ci, la décision du ministère public de ne pas y recourir ou la constatation du fait que la transaction pénale n'a pas été réalisée (à temps).
Enfin, il convient de préciser que la loi du 18 mars 2018 modifiant diverses dispositions du droit pénal, du droit de la procédure pénale et du droit judiciaire a modifié la procédure relative à l'extinction de l'action publique sous réserve du respect d'un certain nombre de conditions, et cela conformément aux adaptations apportées à la procédure de la transaction pénale. De telles procédures ne pourront dorénavant seulement être entérinées par le juge lorsque celui-ci estime que le règlement proposé est proportionné à la gravité des faits et à la personnalité du suspect.
Tom Bauwens
tom.bauwens@eubelius.com
Margot Vandebeek
margot.vandebeek@eubelius.com