26/12/18

Rupture du contrat de travail pour incapacité définitive : quelques précisions

Depuis le 9 janvier 2017, un contrat de travail ne peut être rompu en raison de l’incapacité définitive du travailleur que si le trajet de réintégration prévu dans le code du bien-être au travail est terminé.

Comment se déroule le trajet de réintégration pour les travailleurs en incapacité ?

Qui peut lancer le processus de réintégration et quelles en sont les conséquences ?

La demande de réintégration peut émaner:

  • de l’employeur
    • si le travailleur est absent depuis au moins quatre mois consécutifs, en raison d’une maladie ou d’un accident d’ordre privé (et pas en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail !) ;
    • si le travailleur lui remet un certificat de son médecin traitant qui constate une incapacité définitive à exercer le travail convenu. La durée de l’incapacité n’entre pas en ligne de compte.
  • du travailleur ou du médecin traitant du travailleur avec l’autorisation de ce dernier. Ici aussi, la durée de l’incapacité importe peu ;
  • du médecin-conseil de la mutuelle, dans le cadre de la législation maladie-invalidité.

Si, dans une de ces trois situations, on décide de commencer le trajet de réintégration, le conseiller en prévention – médecin du travail (CPM) devra examiner le travailleur dans les 40 jours ouvrables, afin de déterminer les possibilités de réintégration.

Quelles décisions peut prendre le CPM ?

Après avoir examiné le travailleur, le CPM peut décider que l’incapacité de ce dernier n’est que temporaire (avec, éventuellement, la possibilité d’exercer un autre travail ou un travail adapté pendant cette période) ou, au contraire, définitive pour la fonction convenue (toujours avec la possibilité  éventuelle d’exercer un autre travail ou un travail adapté au sein de l’entreprise). Le CPM peut enfin estimer que, pour des raisons médicales, il n’est pour le moment pas opportun d’initier un trajet de réintégration.

Le CPM indiquera sa décision sur le formulaire d’évaluation de réintégration et en remettra une copie à l’employeur, au travailleur et, s’il ne propose aucun autre travail ou travail adapté, au médecin-conseil de la mutuelle.

L’employeur et le travailleur peuvent-ils introduire un recours contre la décision du CPM ?

Seul le travailleur peut introduire un recours contre la décision du CPM, et uniquement si le CPM le juge définitivement inapte (éventuellement avec la possibilité d’exercer un autre travail ou un travail adapté). Si le CPM ne l’estime que temporairement inapte, le travailleur n’a aucune possibilité de recours. Notons que l’employeur ne peut pas contester la décision du CPM.

Le travailleur dispose d’un délai de 7 jours ouvrables à partir de la notification de la décision pour exercer son droit de recours et doit s’adresser au médecin-inspecteur social compétent auprès de la Direction générale du bien-être au travail.

Dans quelles situations l’employeur doit-il rédiger un plan de réintégration ?

1. Le travailleur n’est que temporairement inapte et peut entre-temps exercer un autre travail ou un travail adapté

Après avoir reçu l’évaluation de réintégration du CPM qui confirme le caractère temporaire de l’incapacité et la possibilité d’exercer un autre travail ou un travail adapté, l’employer doit rédiger un plan de réintégration, en concertation avec le travailleur et le CPM. Ce plan doit, de manière la plus concrète et détaillée possible, présenter les aménagements raisonnables du poste de travail, décrire le travail adapté et la nature de la formation éventuellement proposée. La durée de validité du plan doit également être précisée.

Ce plan doit ensuite être présenté au médecin-conseil de la mutuelle qui prendra une décision sur la reprise progressive et sur l’incapacité du travailleur, dans le cadre de la législation maladie-invalidité. Si nécessaire, il demandera à l’employeur d’adapter le plan.

Enfin, l’employeur doit transmettre le plan au travailleur dans les 55 jours ouvrables qui suivent la réception de l’évaluation de réintégration. Le travailleur, quant à lui, dispose d’un délai de 5 jours ouvrables pour l’accepter ou le rejeter.

2. Le travailleur est définitivement inapte, mais peut exercer un autre travail ou un travail adapté

Si l’évaluation du CPM atteste de l’incapacité définitive pour le travail convenu, avec la possibilité d’exercer d’autres tâches ou des tâches adaptées, l’employeur doit en principe rédiger un plan de réintégration :

– si le travailleur n’a pas fait usage de son droit de recours dans les 7 jours ouvrables prévus ;

–après réception des conclusions de la procédure qui confirment la décision du CPM lorsque le travailleur a introduit un recours.

Tout comme pour une incapacité temporaire avec possibilité de travail adapté ou d’un autre travail, le plan doit être soumis au médecin-conseil de la mutuelle et envoyé au travailleur dans les 12 mois qui suivent la réception de l’évaluation de réintégration. Le travailleur disposera alors d’un délai de 5 jours ouvrables pour l’accepter ou le rejeter.

L’employeur peut-il ne pas élaborer de plan de réintégration ?

Oui, si, après concertation avec le travailleur et le CPM, il arrive à la conclusion que la réintégration est techniquement ou objectivement impossible ou que le plan ne peut être exigé pour des raisons fondées.

Il doit alors justifier cette décision dans un rapport qu’il transmettra au CPM et au travailleur dans les 55 jours ouvrables qui suivent la réception de l’évaluation de réintégration en cas d’incapacité temporaire ou dans les 12 mois après réception de l’évaluation de réintégration si l’incapacité est définitive.

Dans quelles situations un licenciement pour cause de force majeure médicale est-il possible ?

Le contrat ne peut être rompu pour force majeure médicale en raison de l’incapacité définitive du travailleur que si le trajet de réintégration est terminé. Autrement dit :

  • un licenciement pour force majeure médicale est impossible si le CPM estime que le travailleur n’est que temporairement inapte (et éventuellement capable d’exercer entre-temps d’autres tâches ou des tâches adaptées) ;
  • un licenciement pour force majeure médicale est uniquement possible si le CPM estime que le travailleur est définitivement inapte et :
    • si aucun autre travail ou travail adapté n’est possible et si le travailleur a épuisé ses possibilités de recours contre cette décision (le travailleur n’a pas introduit de recours dans les 7 jours ouvrables ou les conclusions de la procédure de recours confirment l’incapacité définitive) ;
    • lorsqu’un autre travail ou travail adapté est possible, si l’employeur remet un rapport motivé au CPM dans lequel il explique que la réintégration est techniquement ou objectivement impossible, ou ne peut être exigée pour des raisons fondées ;
    • lorsqu’un autre travail ou travail adapté est possible, si l’employeur remet au CPM le plan de réintégration et que celui-ci est rejeté par le travailleur.

C’est uniquement dans ces trois cas de figure que le trajet de réintégration du travailleur déclaré définitivement inapte s’achèvera et que l’employeur pourra procéder à un licenciement pour force majeure médicale, sans verser d’indemnité de préavis.

Un licenciement pour force majeure médicale est-il possible si l’incapacité définitive découle d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle ?

La loi sur les contrats de travail du 3 juillet 1978 relie explicitement le licenciement pour force majeure médicale au suivi d’un trajet de réintégration, en précisant qu’un tel licenciement n’est possible que si le trajet de réintégration est définitivement clôturé.

Selon le Code sur le bien-être au travail, le trajet de réintégration tel que défini ci-devant ne s’applique pas pour la reprise du travail suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Faut-il pour autant conclure qu’il est impossible de procéder à un licenciement pour force majeure médicale d’un travailleur définitivement inapte en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ?

Non. Si un travailleur n’est définitivement plus capable d’exercer ses fonctions chez l’employeur à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, son contrat peut toujours être rompu pour force majeure médicale.

Selon un avis du SPF Emploi, la loi ne vise pas à exclure du trajet de réintégration les travailleurs définitivement inaptes en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Le législateur a simplement voulu distinguer le trajet de réintégration en cas de maladies ou d’accidents de droit commun de la procédure spécifique prévue pour les retours au travail suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle (pour laquelle règles particulières sont prévues).

Le régime et l’évaluation d’une incapacité persistante liée à une maladie professionnelle ou à un accident du travail sont déterminés en fonction du marché du travail général, et pas uniquement par rapport à la fonction exercée, comme c’est le cas pour le trajet de réintégration. Un travailleur déclaré totalement inapte au travail à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle pourra toujours suivre un trajet de réintégration. Un licenciement pour cause de force majeure médicale reste donc possible.

Un licenciement pour force majeure médicale est-il possible si le CPM déclare le travailleur définitivement inapte dans un contexte autre que l’évaluation de réintégration (par exemple, une consultation spontanée ou une consultation préalable à une reprise) ?

Oui. Selon un avis du SPF Emploi, un licenciement pour force majeure médicale reste possible dans ce cas, à condition d’appliquer au préalable la procédure de réintégration.

Lorsque le CPM déclare le travailleur définitivement inapte lors d’une consultation spontanée ou lors d’une consultation de pré-reprise, l’employeur doit suivre les recommandations indiquées sur le formulaire d’évaluation de la santé. Le CPM ne devra donc pas convoquer le travailleur à une seconde entrevue, qui serait cette fois consacrée à une réintégration.

Si le CPM recommande de déplacer définitivement le travailleur à un autre poste ou de lui confier d’autres tâches, cette décision peut être considérée comme une déclaration d’incapacité définitive, avec possibilité d’exercer un autre travail ou travail adapté.

Si le CPM indique que le travailleur est définitivement inapte et n’envisage aucune autre fonction, cette décision peut être considérée comme une déclaration d’incapacité définitive, sans possibilité d’exercer un autre travail ou un travail adapté.

Dans les deux cas, le CPM devrait tout de même remplir un formulaire de réintégration qui confirme sa décision initiale.

Ilona De Boeck - Legal consultant

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