La loi qui introduit une pension libre complémentaire est entrée en vigueur le 27 mars 2019. En y regardant de plus près, l’impact pour l’employeur sera assez limité.
Une des mesures réalisées par l’accord de Gouvernement est de généraliser le deuxième pilier des pensions (pension complémentaire). L’objectif est que tous les travailleurs aient la possibilité de se constituer volontairement une pension complémentaire grâce à des retenues salariales effectuées par l’employeur.
En effet, avant cette mesure, la possibilité pour un travailleur salarié de se constituer une pension complémentaire ne relève pas de son initiative mais de celle de son employeur ou de son secteur (relation tripartite : organisateur, organisme de pension et travailleur).
Dans cette mesure, la relation devient bipartite : travailleur salarié et organisme de pension. L’employeur, lui, ne se contente que de retenir la contribution du travailleur sur sa rémunération nette et de la verser à l’organisme de pension.
1. Cadre juridique
D’un point de vue strictement juridique, le cadre est entièrement distinct de celui de la pension complémentaire des travailleurs que nous connaissons actuellement (LPC). Les dispositions de la pension libre complémentaire des travailleurs salariés (PLCS) font l’objet d’une loi séparée.
Si, ultérieurement, l’employeur décide de mettre en place un régime de pension dans le cadre duquel il prendrait en charge des contributions versées à un organisme de pension, le paiement de celles-ci basculera dans le système actuel de la loi sur les pensions complémentaires (LPC).
2. Initiative
Le travailleur (salarié) est le seul décideur de sa pension libre complémentaire, ainsi il choisit lui-même l’organisme de pension et le produit de pension complémentaire (branche 21, branche 23, etc).
Le travailleur va donc souscrire une convention de pension directement avec l’organisme de pension de son choix. Il n’y a donc pas d’engagement de pension d’une tierce partie vis-à-vis de lui. On ne parlera donc ni de contributions définies ni de prestations définies, ni de réserves minimales acquises.
3. Fonctionnement
3.1. Conclusion d’une convention de pension
Le travailleur se constitue donc lui-même une pension complémentaire auprès de l’organisme de son choix.
3.2. Montant
Le travailleur détermine librement, pour chaque année, le montant de sa contribution dans sa pension libre complémentaire mais des limites ont été fixées.
La contribution annuelle du travailleur sera limitée, par année de constitution (année N) à la différence entre :
- 3% du salaire de référence (salaire brut annuel de l’année N-2 figurant sur le compte individuel) ou 1600 EUR (si le pourcentage de 3% n’atteint pas ce minimum) ;
- et les droits éventuels constitués au cours de l’année N-2 dans le cadre d’un deuxième pilier de pension (pension complémentaire d’entreprise, pension complémentaire sectorielle ou réserves résultant d’un transfert et prise en compte tant des réserves constituées par des contributions patronales que par des contributions personnelles).
On peut donc constater que cet instrument n’est accessible au travailleur que de façon résiduaire. Ce n’est que si le travailleur ne bénéficie pas d’une pension complémentaire au niveau de son entreprise et/ou de son secteur d’activité (pension sectorielle) ou s’il bénéficie d’une pension complémentaire d’un niveau peu élevé que le travailleur peut souscrire une pension libre complémentaire (LPCS).
Remarque importante : le Secrétariat Social ne connaît pas les informations chiffrées concernant les droits éventuels constitués au cours de l’année N-2 dans la cadre d’une pension complémentaire. Seul le travailleur y a accès via le site www.mypension.be (un nouveau calcul sera opéré chaque année pour laquelle le travailleur souhaite verser des contributions).
3.3. Retenues sur le net
Comme il s’agit de contributions du travailleur, celles-ci sont nécessairement à sa charge. Elles seront donc retenues de sa rémunération nette par l’employeur (soit après les retenues sociales et fiscales à opérer par l’employeur dans le cadre du paiement de la rémunération).
Le travailleur communique à son employeur, au minimum deux mois avant que ce dernier n’effectue la première retenue :
- le montant à retenir et sa périodicité ;
- l’attestation de l’organisme de pension qui confirme qu’une convention de pension libre complémentaire a été conclue (+ mentions : identité, adresse, coordonnées bancaires et de contact de l’organisme de pension) ;
- toute autre donnée pertinente pour la retenue à opérer.
Le travailleur informe son employeur au plus tard deux mois avant qu’elle ne soit effective, de toute modification ou cessation des retenues à opérer. De telles modifications ou cessations ne peuvent être opérées que maximum deux fois par année civile.
En cas de cessation du contrat de travail, l’employeur met fin automatiquement aux retenues.
Les contributions retenues ne doivent pas venir en déduction de la rémunération du travailleur pour l‘application des dispositions en matière de saisie ou de cession de rémunération.
4. Régime social et fiscal
Tant les contributions du travailleur que les prestations lors de la pension (ou du décès) sont traitées de la même manière que dans un plan de pension complémentaire organisé par l’employeur ou le secteur (LPC).
4.1. Régime social
- contributions : pas de cotisation sociale (et pas de cotisation patronale de 8,86% puisque l’employeur n’intervient pas) ;
- prestations (lors de la pension ou du décès) : cotisation de 3,55 % (AMI) et cotisation de solidarité de 0 à 2 %.
4.2. Régime fiscal
- contributions : réduction d’impôt de 30 % pour le travailleur (réduction sur le précompte professionnel dû sur le salaire) ;
- taxe sur les opérations d’assurance de 4,4 % (perçue et payée par l’organisme de pension) ;
- prestations (lors de la pension ou du décès) : en principe 10% (autres pourcentages dans certaines circonstances).
5. Entrée en vigueur
La loi est entrée en vigueur le 27 mars 2019.
6. Des alternatives pour la PCLS?
Le travailler peut également se construire une pension complémentaire avec l’épargne-pension et l’épargne à long terme. Ces deux produits bénéficient d'un régime (para)fiscal plus intéressant que la PLCS:
- une prime d’épargne à long terme est taxée de 2 % au lieu de 4,4 %. La prime l’épargne-pension n'est même pas taxée;
- Il n'y a aucune cotisation AMI ni cotisation de solidarité due sur les indemnités épargne-pension ou épargne à long terme;
- L'indemnité épargne-pension est taxée de seulement 8 % au lieu de 10 %.
Le travailleur a donc intérêt à choisir d’abord l’épargne-pension (en principe sur le plan fiscal intéressant jusqu’à 980 € par an), puis l’épargne à long terme (en principe sur le plan fiscal intéressant jusqu’à 2350 € par an mais un prêt hypothécaire compte aussi pour cette limite) et ensuite la PLCS.
la PLCS est par contre plus avantageuse qu’un carnet d’épargne.
Source: Loi du 6 décembre 2018 instaurant une pension libre complémentaire pour les travailleurs salariés et tenant des dispositions diverses en matière de pensions complémentaires, MB 27 décembre 2018.
Frank Verbruggen - Legal manager