L’état de grossesse d’une candidate ou les aspirations d’un candidat à fonder une famille de manière générale relèvent de la vie privée et ne peuvent dès lors pas faire l’objet de questions par l’employeur.
Pendant longtemps, dans le silence de la loi, la question de savoir si une candidate devait révéler qu’elle était enceinte lors du recrutement a fait l’objet de nombreuses controverses dans la jurisprudence. La mise en oeuvre de la directive 76/207 relative à l’égalité de traitement a permis aux juridictions de revoir leur position et de mettre fin aux incertitudes.
Par ailleurs, en Belgique, les partenaires sociaux se sont emparés de la question et ont conclu la Convention collective de travail n° 38 ayant pour objectif de fixer des normes concernant le recrutement et la sélection de travailleurs.
1. Principe
Il est admis qu’il doit exister une relation de confiance entre les parties à un contrat. Cela implique que chaque partie a le devoir d'informer l'autre. Il y a cependant des limites à ce devoir d’information. L’une d’entre elles concerne les informations relatives à la vie privée.
La Convention collective n° 38 prévoit que la vie privée des candidats doit également être respectée lors de la procédure de sélection. Cela implique que des questions sur l’état (éventuel) de grossesse d’une candidate lors de l’embauche ne sont en principe pas justifiées.
D’ailleurs, ceci ne vaut pas seulement pour les employeurs, mais également pour les personnes qui participent pour eux aux opérations de sélection, comme, par exemple, les psychologues ou les médecins.
2. Fondement juridique
Cette interdiction de principe d’interroger une candidate sur son (éventuel) état de grossesse doit être envisagée à la lumière de l’interdiction de discriminer sur la base du sexe. Cela est consacré par la loi du 10 mai 2007. En effet, la jurisprudence estime qu’une distinction fondée sur la grossesse, l’accouchement ou la maternité doit être assimilée à une distinction directement fondée sur le sexe.
3. Exception
La CCT 38 prévoit toutefois une exception à cette interdiction. La question de l'existence d'un éventuel état de grossesse peut être posée si elle est pertinente en raison de la nature et de l'exercice de la fonction à pourvoir.
4. Portée concrète de l’interdiction
Voici quelques cas tirés de la jurisprudence permettant de mieux appréhender la portée de l’interdiction :
Connaissance de l’état de grossesse avant la signature du contrat : la Cour de Justice de l’Union européenne a déjà condamné un employeur qui avait refusé d’engager une candidate pour une durée indéterminée en raison de son état de grossesse.
Connaissance de l’état de grossesse après la signature du contrat : la Cour du travail d’Anvers a condamné un employeur au paiement d’une indemnité de rupture et de l’indemnité spéciale de licenciement lorsqu’il avait été mis fin au contrat de travail avant le début de l’exécution de celui-ci au motif qu’il avait appris après la signature que la travailleuse était enceinte.
Refus de renouvellement d’un CDD en raison de l’état de grossesse : les juridictions belges et européennes estiment que la non-prolongation d’un contrat de travail à durée déterminée en raison de l’état de grossesse d’une travailleuse constitue une discrimination directe sur la base du sexe.
5. Que risque l’employeur qui ne respecte pas ces principes ?
Lorsqu’un contrat de travail a été signé, dès le moment où l’employeur est au courant de l’état de grossesse d’une travailleuse, cette dernière bénéficie d’une protection contre le licenciement. L’employeur ne peut donc pas la licencier si son acte est motivé par l’état de grossesse de celle-ci. Le cas échéant, il payera une indemnité égale à la rémunération brute de six mois à la travailleuse, sans préjudice des indemnités dues à la travailleuse en cas de rupture du contrat de travail.
Lorsqu’on se situe au stade l’embauche (aucun contrat n’a encore été signé), ne pas engager une candidate en raison de son état de grossesse est discriminatoire. La loi du 10 mai 2007 prévoit que la victime peut réclamer une indemnisation de son préjudice pouvant aller jusqu’à six mois de rémunération brute.
6. Une candidate a-t-elle l’obligation d’annoncer spontanément son état de grossesse ?
La jurisprudence est d’avis qu’une communication spontanée de la grossesse n’est nécessaire que si cette information est pertinente en raison de la nature et de l'exercice de la fonction pour laquelle elle présente sa candidature.
7. Une candidate pourrait-elle mentir sur son état de grossesse ?
Si en l’absence de raisons pertinentes (lorsque le poste à pourvoir est dangereux pour une femme enceinte p.ex.) l’employeur interroge malgré tout la candidate sur son état de grossesse, il est admis que la travailleuse puisse mentir sur son état de grossesse.
8. Que faire si malgré tout une candidate annonce spontanément son état de grossesse ?
L’employeur indique à la travailleuse que cette information relève de sa vie privée et qu’elle ne sera pas prise en considération dans l’examen de sa candidature.
Source
Convention collective de travail n° 38 du 6 décembre 1983 concernant le recrutement et la sélection de travailleurs.
ISLAMI Lindiana - Legal consultant