La loi sur la motivation des licenciements et des licenciements manifestement déraisonnables des travailleurs contractuels du secteur public a été publiée récemment au Moniteur belge.
1. Nécessité d’une telle loi pour le secteur public
Lors de l’harmonisation des délais de préavis entre ouvriers et employés en 2014, la protection contre le licenciement abusif dont bénéficiaient les ouvriers sous contrat de travail à durée indéterminée a été abrogé par le législateur et l’abrogation a été conditionné à l’adoption d’une réglementation encadrant la motivation du licenciement pour tous travailleurs salariés, y compris les travailleurs du secteur public.
Le secteur privé a rapidement réglé la question par l’adoption de la Convention collective de travail n°109 concernant la motivation du licenciement. Petit hic : les dispositions de cette réglementation ne s’applique pas aux employeurs du secteur public ...
Cette loi – dont l’objectif principal est de combler la lacune législative - intervient notamment à la suite des arrêts prononcés par la Cour constitutionnelle en 2014 et 2016 par lesquels elle demande au législateur d’adopter un régime similaire à la Convention collective de travail n° 109 pour le secteur public. Elle invitait, dans l’intervalle, les Cours et Tribunaux à appliquer sans discrimination à tous les contractuels du secteur public les règles de droit commun et à s’inspirer le cas échéant du régime prévu par la Convention collective de travail n° 109.
2. Régime applicable au secteur public
Le nouveau régime législatif proposé consacre (i) le droit de connaître les motifs concrets qui ont conduit au licenciement ainsi que (ii) le droit d’être entendu préalablement au licenciement.
2.1 Motivation du licenciement et licenciement manifestement déraisonnable
Ce nouveau cadre législatif sera analogue à celui existant pour les contractuels du secteur privé à la différence que, pour le secteur public, le congé devra être donné par écrit et devra automatiquement mentionner les motifs concrets du licenciement.
Il s’appliquera à tous travailleurs sous contrat de travail ne relevant pas de la loi sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires.
Seront exclus de son champ d’application, les travailleurs occupés depuis moins de 6 mois, les travailleurs occupés dans le cadre d’un contrat de travail intérimaire, les travailleurs occupés en tant qu’étudiants, les travailleurs licenciés en vue de permettre l’accès à la pension, les travailleurs licenciés pour motif grave ou lorsque l’employeur doit suivre une procédure spécifique de licenciement.
L’employeur qui ne communiquera pas automatiquement – aux travailleurs sous contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée - les motifs concrets du licenciement sera redevable d'une indemnité égale à 2 semaines de rémunération.
Outre cette indemnité, le travailleur occupé pour une durée indéterminée pourra également prétendre à une indemnisation correspondant à minimum 3 semaines et maximum 17 semaines de rémunération en cas de licenciement pour un motif n’ayant aucun lien avec son aptitude ou sa conduite ou qui n’est pas fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service et/ou lorsqu’une telle décision n’aurait jamais été adoptée par un employeur normal et raisonnable, auquel cas le licenciement pourrait être considéré comme manifestement déraisonnable.
En principe, le contractuel doit prouver que le licenciement était manifestement déraisonnable, sauf si l'employeur n'a pas communiqué automatiquement les motifs concrets ayant conduit au licenciement auquel cas, c’est à ce dernier de prouver que le licenciement n'était pas manifestement déraisonnable.
2.2 Audition préalable
Le travailleur a le droit d’être entendu avant son licenciement. Cette obligation ne faisait pas partie du texte initial du projet de loi et a été intégrée sur demande des organisations syndicales.
L'employeur, qui envisage de licencier un travailleur, est tenu de communiquer les faits et les motifs de la décision envisagée au travailleur avant l'entretien afin qu’il puisse préparer son audition. Celui-ci doit pouvoir disposer de temps suffisant pour préparer son audition ou pour formuler ses observations par écrit. L'employeur peut décider de procéder ou non au licenciement qu’à la suite de l’entretien avec le travailleur.
Il y a lieu de noter que la loi n’oblige l’employeur à procéder à l’audition préalable du travailleur qu’en cas de licenciement lié au comportement ou à l’aptitude du travailleur.
En cas de non-respect de cette obligation, l’employeur sera redevable d’une indemnité automatique et forfaitaire équivalente à 2 semaines de rémunération.
3. Conclusion
Les dispositions de cette réglementation s’appliqueront aux licenciements notifiés à partir du 1er mai 2024.
À partir de cette date, tout employeur du secteur public occupant un contractuel devra conformer sa procédure de licenciement à cette nouvelle réglementation.
Il faudra notamment s’assurer que le travailleur soit entendu en temps utile et ce, nécessairement avant son licenciement tout en veillant à lui communiquer les faits et les motifs de cette décision. Enfin, l’employeur devra toujours s’assurer que le licenciement soit notifié par écrit et qu’il comporte automatiquement les motifs concrets du licenciement.
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Youssra Andaloussi
Leila Mstoian