Les assureurs sont tentés d’invoquer une faute intentionnelle de la part de leurs assurés pour leur refuser le bénéfice de la garantie. Un débat naît alors souvent sur la personne qui est à l’origine du sinistre intentionnel.
La loi sur les assurances terrestres du 25 juin 1992 prévoit en son article 8 alinéa 1er que « nonobstant toute convention contraire, l'assureur ne peut être tenu de fournir sa garantie à l'égard de quiconque a causé intentionnellement le sinistre ».
L’alinéa 2 de cet article poursuit : « l’assureur répond des risques causés par la faute, même lourde, du preneur d’assurance, de l’assuré ou du bénéficiaire. Toutefois, l’assureur peut s’exonérer de ses obligations pour les cas de faute lourde déterminés expressément et limitativement dans le contrat. Le Roi peut établir une liste limitative des faits qui peuvent être qualifiés de faute lourde ».
Si l’assureur est donc obligé d’intervenir en cas de faute lourde non expressément exclue par la police, il ne doit jamais couvrir les conséquences d’une faute commise intentionnellement.
Ceci a pour conséquence qu’un assureur aura souvent tendance à considérer que son assuré a commis une faute intentionnelle pour lui refuser sa garantie .
Nos cours et tribunaux ne partagent cependant pas souvent la vision des assureurs quant à la notion de faute intentionnelle.
Prenons l’exemple d’une affaire assez récente.
Le 15 octobre 2008, Michel Huwaert est contraint de citer la SA « AG Insurance » (anciennement « Fortis Insurance Belgium ») devant le Tribunal de première instance de Dinant pour obtenir le paiement d’une indemnité équivalant à la moitié des dommages causés à son immeuble détruit par un incendie.
Son épouse, avec laquelle il est marié sous le régime de la communauté universelle, a intentionnellement mis le feu à l’immeuble qu’ils ont acquis ensemble.
AG Insurance a refusé sa garantie en application de l’article 8, alinéa 1er de la loi du 25 juin 1992, puisque le sinistre a été causé intentionnellement. Elle a en effet fait valoir que l’indemnité versée par l’assureur à la suite d’un sinistre ayant détruit un bien appartenant aux époux entre lesquels existe une communauté universelle fait partie du patrimoine commun de ceux-ci et qu’en cas de paiement, les deux époux bénéficieraient de l’indemnité alors que l’un d’eux a intentionnellement causé le sinistre.
Michel Huwaert a contesté le refus d’intervention de son assureur car il y a vu une double discrimination :
- d’une part, entre l’époux qui est lié par un contrat de mariage prévoyant une communauté universelle et l’époux qui est lié par un contrat de mariage prévoyant une séparation de biens ;
- d’autre part, entre le copropriétaire qui est lié par un contrat de mariage prévoyant une communauté universelle et le copropriétaire qui est, avec le copropriétaire incendiaire, dans une relation de « cohabitation légale » ou dans une relation de concubinage.
Par jugement du 22 avril 2010, le Tribunal de première instance de Dinant a demandé à la Cour constitutionnelle de statuer sur la compatibilité des articles 1453 (communauté universelle), 1466 (séparation de biens) et 1475 et suivants (concubinage) du Code civil, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, au regard de l’article 8, alinéa 1er de la loi du 25 juin 1992.
La Cour a répondu tout simplement, par un arrêt n°61/2011du 5 mai 2011, que les dispositions en cause ne dispensent pas l’assureur de fournir sa garantie à la première catégorie d’époux ou de copropriétaires. La différence de traitement est donc en l’espèce inexistante puisqu’elle repose sur une lecture erronée de l’article 8, alinéa 1er de la loi.
Cet arrêt de la Cour constitutionnelle s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de Cassation, laquelle doit fréquemment rappeler que la faute intentionnelle ne peut pas être opposée à des assurés autres que l’auteur de la faute.
Le texte légal est pourtant limpide à cet égard puisqu’il prévoit explicitement que (…) l'assureur ne peut être tenu de fournir sa garantie à l'égard de quiconque a causé intentionnellement le sinistre. Cette formulation a pour conséquence que la couverture n’est pas écartée en ce qui concerne les autres assurés, preneurs ou bénéficiaires, étrangers à la provocation volontaire du sinistre . Ce pourrait ainsi être le cas d’un bénéficiaire de second rang dans les assurances de personnes, des personnes civilement responsables dans les assurances de dommage ou d’un copropriétaire d’un bien détruit dans les assurances de choses .
La question s’est également posée en assurance R.C. vie privée lorsqu’un assuré mineur d’âge a provoqué un sinistre de manière intentionnelle. La Cour de Cassation a confirmé que la privation de la couverture résultant de l’article 8 revêt un caractère personnel et qu’elle n’affecte pas les droits à garantie des parents civilement responsables .
Par contre, il semble possible d’élargir conventionnellement le domaine ratione personae de la déchéance, par exemple lorsque le fait intentionnel est celui d’un de ses proches. Ceci n’affecte pas le caractère d’ordre public de l’article 8 alinéa 1er de la loi du 25 juin 1992 puisque le texte ne prend pas position quant à l’extension éventuelle de la déchéance à d’autres personnes, contrairement à la non couverture du fait intentionnel .