La crise financière a suscité de nombreuses questions notamment en ce qui concerne la rémunération des dirigeants d'entreprise, ce qui a amené la Commission européenne à souligner qu'elle partage la préoccupation de ceux qui estiment que lorsqu'un dirigeant de société cotée a failli, il ne saurait être récompensé(1).
Dans ce contexte, la loi du 6 avril 2010 visant à renforcer le gouvernement d'entreprise dans les sociétés cotées et les entreprises publiques autonomes(2) instaure des limites aux indemnités de départ et des règles strictes en matière de rémunération variable.
La loi s'applique aux sociétés cotées en bourse et aux entreprises publiques autonomes et à leurs dirigeants exécutifs, à savoir les CEO, les administrateurs exécutifs ainsi que les membres des comités de direction ou des comités exécutifs.
Des limites aux parachutes dorés
Depuis le 3 mai 2010, les conventions conclues (ou prolongées) avec un dirigeant exécutif qui prévoient une indemnité de départ(3) supérieure à 12 mois de rémunération doivent être approuvées par la première assemblée générale ordinaire qui suit. Si l'indemnité de départ est supérieure à 18 mois de rémunération, l'avis motivé du comité de rémunération doit en outre être recueilli. La question doit aussi être soumise au conseil d'entreprise - au sein duquel siègent des représentants des travailleurs, qui communiquera un avis à l'assemblée générale.
A défaut d'approbation par l'assemblée générale, la convention prévoyant cette indemnité de départ est nulle de plein droit.
Si le dirigeant exécutif est lié par un contrat de travail, la loi du 3 juillet 1978, prévoyant des délais de préavis minimum en fonction de l'ancienneté, continue à s'appliquer et ce, même si elle impose le paiement d'une indemnité de rupture supérieure à 12 mois de rémunération.
Ces nouvelles dispositions pourraient compliquer les négociations entre un employeur et son dirigeant exécutif quant aux conditions de départ de celui-ci : un accord portant sur une indemnité supérieure au minimum légal est bien souvent négocié après la rupture du contrat.
L'approbation de l'assemblée générale est désormais requise... ce qui pourrait inciter ou contraindre les parties à se tourner vers le juge pour déterminer les modalités du départ du dirigeant, la décision judiciaire n'étant pas soumise à cette approbation.
Des restrictions en termes de rémunération variable
Les bonus des dirigeants sont également réglementés, les nouvelles règles étant d'application à partir du premier exercice social qui débutera après le 31 décembre 2010.
Les critères d'attribution d'une rémunération variable doivent désormais être expressément mentionnés dans le contrat et le « bonus » ne peut être accordé que s'ils ont été rencontrés, sous peine de ne pas être pris en considération pour le calcul de l'indemnité de départ.
Deux autres mesures ont été adoptées, afin d'inciter le management exécutif à garder à l'esprit l'intérêt à long terme de l'entreprise et de ses actionnaires. Ainsi, sauf dispositions statutaires contraires ou approbation expresse par l'assemblée générale des actionnaires :
- une action ne peut être acquise définitivement et une option sur actions ne peut être exercée par un administrateur que trois ans au moins après son attribution ;
- si la rémunération variable excède un quart de la rémunération annuelle, celle-ci doit être fondée sur des critères de prestation prédéterminés et objectivement mesurables et ce, sur une période de deux ans à concurrence de 25 % de son montant et sur une période de trois ans à concurrence d'une autre tranche de 25 % de son montant.
Les prestations de l'année ne peuvent donc intervenir qu'à concurrence de 50 % de l'octroi du bonus.
Cela viendra certainement bouleverser les plans de bonus qui sont traditionnellement liés à des évaluations annuelles, en imposant un échelonnement du paiement dudit bonus.
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Seul, l'avenir nous dira si l'ambition de cette loi est rencontrée, à savoir apporter une solution aux préoccupations relatives au manque de transparence en matière de rémunération des dirigeants sans toutefois priver les entreprises de la possibilité d'attirer des personnalités internationales.
1 Voir la recommandation 2009/385/CE, en particulier le 7ème considérant et le point 3.5.
2 Publiée au Moniteur belge le 23 avril 2010, cette loi transpose la directive 2006/46/CE du Parlement européen et du Conseil européen du 14 juin 2006.
3 Sont visées par cette notion non seulement l’indemnité de rupture, mais également une indemnité de non-concurrence, des versements effectués à un fonds de pension,…