Tout propriétaire d’un immeuble donné en location peut souscrire une couverture d’assurance qui permet au propriétaire-bailleur d’être indemnisé des loyers non réglés par un locataire qui ne pourrait ou ne voudrait pas payer.
En pareil cas, le propriétaire-bailleur est indemnisé, par son assureur, moyennant le règlement de quittances provisionnelles. Il est prévu dans ces quittances que le bailleur « déclare subroger l’assureur dans tous ses droits et actions contre tous auteurs reconnus ou présumés du sinistre et autres garants généralement quelconque, même contre tous assureurs, jusqu’à concurrence du montant précité ».
L’assureur qui a indemnisé son assuré, peut alors réclamer en justice la condamnation du locataire, au paiement des loyers indemnisés.
La subrogation conventionnelle s’applique dès lors que trois éléments sont réunis à savoir : « un paiement, une convention ou une disposition de la loi, impliquant le transfert de la créance et de ses accessoires »[1].
Dès lors que ces conditions sont réunies, le subrogé pourra exercer l’ensemble des droits, actions et sûretés appartenant initialement au subrogeant.
Enfin, l’intérêt principal de ce mécanisme de la subrogation est de permettre une meilleure indemnisation des victimes et de transférer la charge de l’indemnisation notamment à l’assureur ou à toute personne ou organisme agissant en qualité de garant[2].
Nous discutons ici la question de la juridiction compétente pour toiser le litige entre l’assureur et le locataire, ainsi que la question de savoir ce qui se passe, si le propriétaire-bailleur dispose déjà d’un titre ayant condamné le locataire à lui régler des loyers impayés, mais que le propriétaire est indemnisé par la suite par l’assureur.
La jurisprudence actuelle permet de répondre à ces deux questions.
1. La juridiction compétente
La compétence du juge de paix siégeant en matière de bail à loyer a été contestée par des locataires alors que le locataire n’avait pas conclu de contrat de bail avec l’assureur.
La jurisprudence est cependant unanime en la matière[3], pour dire que la compétence appartient au juge de paix siégeant en matière de bail à loyer.
Il peut en être ainsi, que ce soit pour des loyers impayés, mais aussi par exemple, en cas d’indemnisation d’un sinistre résultant d’un incendie dont le locataire est responsable.
Cette solution est suivie également par la doctrine[4] :
« Si l’assureur a payé l’indemnité d’un sinistre au bailleur, et se trouve de ce fait subrogé dans les droits du bailleur, il peut exercer un recours contre les locataires de ce dernier, par requête devant le juge de paix statuant en matière de bail à loyer[5]. »
« Si des dégâts ont été causés par le locataire pour lesquels le bailleur a été indemnisé par son assureur, ce dernier se trouve subrogé dans les droits du bailleur. Dans ce cas un recours de l’assureur tombe dans le champ d’application de l’article 3 sub 3° du nouveau code de procédure civile et l’affaire est donc à introduire par requête. »[6].
« L’assureur subrogé doit exercer son recours devant les juridictions qui auraient été compétentes, d’un point de vue matériel, pour connaître de l’action du subrogeant. »[7]
2. L’existence d’un titre en faveur du bailleur
Si le bailleur dispose déjà d’un titre condamnant le locataire à lui payer les loyers en souffrance, mais qu’in fine l’assurance lui indemnise ces derniers ou du moins une partie, la question qui se pose est de savoir si l’assureur doit lui-même refaire une procédure pour obtenir un jugement en sa faveur, ou s’il peut utiliser le titre du bailleur à son profit.
La jurisprudence a pu se prononcer sur cette question et a estimé que puisque la subrogation a pour effet de transférer au subrogé tous les droits et actions du subrogeant, l’assureur peut utiliser à son profit le titre exécutoire dont dispose son assuré sans devoir en obtenir un nouveau[8].
La jurisprudence a d’ailleurs estimé qu’ « une nouvelle action introduite contre le débiteur, tendant à l’obtention d’un second titre pour les montants ayant déjà fait l’objet d’une condamnation au profit du subrogeant, serait déclarée irrecevable »[9].
Ainsi donc deux points qui sont essentiels pour la gestion des dossiers contentieux et qui sont régulièrement plaidés par les avocats des locataires peuvent être considérés comme tranchés et ils ne retarderont plus les procédures de recouvrement.
[1] JurisClasseur Civil Code > Art. 1346 à 1346-5 ; Fasc. 10 : régime général des obligations. – Paiement avec subrogation. – Conditions générales et effets, paragraphe 5
[2] JurisClasseur Civil Code > Art. 1346 à 1346-5 ; Fasc. 10 : régime général des obligations. – Paiement avec subrogation. – Conditions générales et effets, paragraphe 4
[3] Jugement du Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg du 10 juin 2004 no 173/04 du rôle :
« Lorsque l’assureur subrogé exerce son recours contre le tiers responsable, la compétence est déterminée à l’égard de l’assureur comme si l’assuré agissait contre le tiers. En effet, le tiers subrogé reçoit le droit même du subrogeant par le seul effet du paiement en cas de subrogation légale et par le respect des formalités prévues à l’article 1250 du code civil en cas de subrogation conventionnelle. Les droits et actions attachés à la créance sont transmis au subrogé. Toute action dont disposait le subrogeant au moment du paiement peut être exercée par le subrogé. Celui-ci agit à titre personnel, en exerçant une action dont l’objet et la cause sont établis par le droit de créance dont, par l’effet de la subrogation, il est devenu titulaire. Le subrogé exerce à titre personnel les droits qui étaient ceux du subrogeant et qui modèlent son action dans son objet, sa cause et ses modalités procédurales (compétences, délais, titres exécutoires…). Le juge de l’action du subrogé est celui qui aurait pu saisir le subrogeant. (…)
Il s’ensuit que le juge de paix siégeant en matière de bail à loyer est compétent pour connaître de l’action dirigée par l’assureur subrogé dans les droits du bailleur contre le locataire et tendant à la condamnation du locataire au paiement des dommages résultant d’un incendie».
Voir également en ce sens : Jugement de la Justice de Paix de Luxembourg du 4 juillet 2019 n°2306/19, ; Justice de paix de Esch-sur-Alzette, 24 octobre 2018, rôle n°2474/18 ; Justice de paix de Esch-sur-Alzette, 26 octobre 2018, rôle n°2528/2018 ; Justice de paix de Esch-sur-Alzette, 21 novembre 2019, rôle n°2762/19…
[4] Lex Thielen, Le contrat de bail, Bail résidentiel et bail professionnel, Edition Promoculture, Larcier 2013, page 157 et 203
[5] Ouvrage précité, p 157, n°203 « Cependant, tel n’est pas le cas dans l’hypothèse d’une simple cession, par le bailleur à son assureur, des droits qu’il peut avoir contre ses locataires en cas de sinistre sur base de l’article 1734 du code civil, une telle cession n’étant opposable aux locataires aussi longtemps qu’elle ne leur aura pas été signifiée. »
[6] Ouvrage précité, page 203, n°249
[7] Jurisclasseur, Fascicule 510-20, Assurances Terrestres – Assurances de dommages – Règles générales. Indemnité d’assurance, n°138
[8] T.A. Luxembourg 2 mai 2012, n°135582 du rôle
[9] T.A. Luxembourg 2 mai 2012, n°135582 du rôle : « la créance est transmise avec toutes ses caractéristiques et ses accessoires. Le subrogé exerce les droits qui étaient ceux du subrogeant et qui modèlent son action dans son objet, sa cause et ses modalités procédurales (compétences, délai, titres exécutoires, etc) » – Voir encore en ce sens également, un jugement de la Justice de Paix d’Esch-sur-Alzette du 24 octobre 2018 n° 169/18 : « En l’espèce, il y a partant lieu de retenir que la société X n’est pas en droit de requérir un nouveau titre, mais qu’elle doit poursuivre le recouvrement des sommes qu’elle a avancées sur base du titre prononcé en faveur de la personne dans les droits de laquelle elle est subrogée… »