Vendredi dernier, le Conseil National du Travail (CNT) a publié la CCT tant attendue concernant la motivation du licenciement. Les partenaires sociaux ont ainsi franchi une nouvelle étape dans l’harmonisation des statuts ouvriers et employés. A partir du 1er avril 2014, tout licenciement d’un ouvrier ou d’un employé devra, en principe, être motivé.
Jusqu’à présent, en droit belge du licenciement, la règle selon laquelle un employeur n’avait pas l’obligation de motiver le licenciement d’un travailleur (c’est à dire lui communiquer et pouvoir lui justifier les raisons de son licenciement) venait à s’appliquer, sauf dans des cas particuliers, comme le licenciement pour motif grave ou le licenciement de certains travailleurs protégés.
De plus, il y avait une différence importante entre ouvriers et employés. Un employeur qui licenciait un ouvrier devait tenir compte des règles relatives au ‘licenciement abusif’ (art. 63 de la Loi relative aux contrats de travail). Un employeur qui violait ces règles était redevable d’une indemnité de six mois de rémunération à l’ouvrier. Les employés ne connaissaient cependant pas cette protection. Ils pouvaient certes invoquer l’abus de droit, mais ils se trouvaient à cet égard dans une position plus difficile que les ouvriers, compte tenu de la charge de la preuve.
Le statut unique tend à faire disparaitre cette distinction. La mise en oeuvre de cet objectif, qui était confiée aux partenaires sociaux, s’est toutefois fait attendre. La CCT nr. 109 concernant la motivation du licenciement, fraîchement publiée, introduit un régime uniforme de motivation du licenciement. Il est composé des lignes de force suivantes :
- Chaque travailleur licencié a le droit de connaître les motifs concrets qui ont conduit à son licenciement. Si l’employeur n’a pas informé par écrit le travailleur de sa propre initiative, ce-dernier peut adresser une demande d’explication à l’employeur. Le travailleur doit à cet effet envoyer une lettre recommandée à l’employeur dans un délai de deux mois après que le contrat de travail a pris fin, ou, en cas de préavis, dans un délai de six mois après la notification du préavis, sans pouvoir dépasser deux mois après la fin du contrat de travail. Si l’employeur ne répond pas dans les deux mois de la réception de la demande, il est alors redevable d’une amende civile forfaitaire correspondant à deux semaines de rémunération.
- Le licenciement d’un travailleur engagé pour une durée indéterminée, pour des raisons qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas fondées sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, et qui n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable, est un ‘licenciement manifestement déraisonnable’. Le travailleur peut contester les motifs du licenciement devant le tribunal du travail. Si le caractère manifestement déraisonnable du licenciement est reconnu, l’employeur est alors redevable d’une indemnité de 3 à 17 semaines de rémunération. Le montant de l’indemnisation dépend de la gradation du caractère manifestement déraisonnable du licenciement.
L’ajout du mot ‘manifestement’ indique le contrôle marginal du caractère déraisonnable des motifs du licenciement par le juge. Partant, les juridictions du travail ne doivent pas juger l’opportunité de la gestion de l’employeur.
Attention : la CCT prévoit des exclusions, comme par. ex. les travailleurs licenciés dans les 6 premiers mois de leur emploi ou dans le cadre d’un licenciement collectif ou d’une fermeture. Des exceptions sont également prévues pour les ouvriers pour lesquels des délais de préavis réduits s’appliquent temporairement (ex. diamant, bois, confection) ou structurellement (construction). Pour eux, la règle du licenciement abusif (temporaire ou pas) reste applicable.
La CCT nr. 109 entre en vigueur le 1er avril 2014 pour les licenciements donnés ou notifiés à partir de cette date.
D’après l’avis du CNT, l’objectif est de voir l’amende civile forfaitaire et l’indemnité non soumises à cotisations de sécurité sociale. D’après les informations reçues à cet égard, les partenaires sociaux ont demandé au gouvernement d’adapter la législation à cette fin au moment opportun.
Conseils pratiques:
- S’assurer que le motif pour tout licenciement qui sera donné à partir du 1er avril 2014 est concrètement démontrable et non manifestement déraisonnable ;
- Conserver dans le dossier du personnel une trace écrite des avertissements donnés aux travailleurs, des évaluations,... ;
- S’assurer d’un bon suivi administratif afin qu’une demande d’explication d’un travailleur licencié reçoive une réponse dans les temps.
Si vous deviez encore avoir des questions à ce sujet, n’hésitez pas à nous contacter.