La Cour de Justice a décidé que la Belgique bafouait les règles européennes en permettant au juge, à l’ONSS et aux inspecteurs sociaux de ne pas tenir compte d’un formulaire A1 obtenu d’un autre Etat membre, lorsqu’ils jugent qu’il y a un abus.
Dans le cadre de la lutte contre la fraude au détachement, le législateur belge a donné la possibilité aux tribunaux, aux autorités de de sécurité sociale (en particulier à l’ONSS) et aux inspecteurs sociaux, via la loi-programme du 27 décembre 2012, de soumettre unilatéralement un travailleur ou un indépendant à la législation belge de sécurité sociale en cas d’abus. Cette possibilité est offerte même lorsqu’un autre Etat membre a délivré un formulaire A1 et a donc confirmé que son propre régime de sécurité sociale était applicable.
La loi belge rendait cet assujettissement unilatéral possible sans que l’autre Etat membre ne doive donner son accord et sans même que celui-ci ne doive être contacté. L’institution concernée (p. ex. : l’ONSS ou l’inspection sociale) devait simplement établir que les dispositions des règlements de coordination n’étaient pas respectées, et ce avec l’intention de se soustraire à la législation belge de sécurité sociale.
Depuis son entrée en vigueur, cette loi a donné lieu à de fortes critiques en raison d’une contrariété manifeste aux règlements de coordination européens.
Dans son arrêt du 11 juillet 2018, la Cour de Justice pose des balises claires et annule les dispositions concernées de la loi anti-abus. Une législation nationale qui autorise à remettre en cause la force obligatoire d’un formulaire A1, en dehors d’une procédure judiciaire et sans respecter la procédure européenne en assujettissant d’initiative le travailleur ou l’indépendant concerné à la sécurité sociale belge, est en effet incompatible avec le principe de collaboration loyale entre les autorités des Etats membres, juge la Cour.
Un formulaire A1 ne peut être écarté unilatéralement par un tribunal belge que dans les limites fixées dans l’arrêt Altun (voyez notre article précédent sur la question).
Point d'action
Les instances belges (le juge, l’ONSS et l’inspection sociale) ne peuvent pas ignorer l’existence d’un formulaire A1 et soumettre unilatéralement les travailleurs détachés à la sécurité sociale belge. Les formulaires A1 qui auraient été obtenus frauduleusement ne peuvent être écartés que dans les conditions strictes fixées par l’arrêt Altun (voyez notre article précédent sur la question).