La directive 2019/1152 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles (CTTP), l'une des principales réalisations sociales de la Commission Juncker, a été officiellement publiée le 11 juillet 2019 et est entrée en vigueur le 31 juillet 2019. Les États membres ont dorénavant trois ans (jusqu'au 1er août 2022) afin de se conformer à ses dispositions.
La directive CTTP est sans aucun doute l'une des avancées les plus importantes dans le développement de la dimension sociale de l'UE. Cette directive n’avait été, au début, que modestement envisagée comme une révision de l'ancienne directive relative à l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (91/533/CEE). Les révisions se sont cependant vite vues intégrées dans l'ambitieux projet social Européen de la Commission Juncker : le Socle Européen des Droits Sociaux. Il en a résulté non seulement, un élargissement du champ d'application initial de l’ancienne directive, mais également l'ajout de certains droits importants pour les travailleurs.
Premièrement, la directive CTTP s'applique à tout travailleur (« worker » en anglais) de l'Union ayant un contrat ou une relation de travail au sens de la législation, des conventions collectives ou des pratiques en vigueur dans chaque État membre, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice. La question de savoir si le concept de « travailleur » devait également inclure les travailleurs dont le statut professionnel est ambivalent, par exemple, les travailleurs de plate-forme ou les indépendants, a été l’objet d’une longue discussion. Bien qu'elle utilise le terme plus large de « travailleur » plutôt que de « salarié » ou « employé », la directive fait toujours référence à une « relation de travail telle que définie par la loi ». Il conviendra donc d’être attentif au développement de ce concept de « travailleur », étant donné que le renvoi à la jurisprudence de la CJUE laisse place à l'interprétation.
De plus, les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la directive aux travailleurs qui travaillent en moyenne moins de trois heures par semaine au cours d'une période de référence de quatre semaines consécutives (soit 12 heures par mois). Ce seuil est bien inférieur à celui de l’ancienne directive, qui permettait l'exclusion des travailleurs ayant une relation de travail dont la durée n’excède pas un mois (et/ou dont la durée de travail hebdomadaire n'excède pas 8 heures).
Deuxièmement, au second chapitre, la directive contient les obligations d'information de l'employeur. La plupart des informations demandées doivent être communiquées par écrit au travailleur dans un délai de sept jours (pour certaines informations, le délai est toutefois porté à un mois). Ces délais sont beaucoup plus courts que les délais bimensuels prévus par l’ancienne directive.
Troisièmement, et c'est sans doute le plus important, la directive CTTP accorde certains « nouveaux » droits aux travailleurs dans son troisième chapitre. Un délai de maximum 6 mois quant à la période d’essai en début de contrat est, entre autres, fixé. Il est également accordé aux travailleurs le droit d'accepter, en dehors de leurs heures de travail, un emploi chez d'autres employeurs, et il est interdit aux employeurs de soumettre ces travailleurs à un traitement défavorable (il peut cependant y avoir des restrictions pour des raisons objectives, telles que la santé et la sécurité, la protection du secret professionnel, l'intégrité du service public ou la prévention des conflits d'intérêts). De plus, la directive impose une certaine prévisibilité pour les travailleurs à la demande (« on-call work »), notamment via un délai de convocation raisonnable. De plus, la directive exige des États membres qu’ils prennent des mesures pour éviter les abus vis-à-vis des travailleurs à la demande, par exemple en fixant des limites quant à l'utilisation et à la durée de leurs contrats de travail à la demande ou de leurs contrats similaires. En outre, les travailleurs ayant au moins six mois d’ancienneté chez le même employeur peuvent demander un emploi offrant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres (si un tel emploi est disponible) et recevoir une réponse écrite motivée (il s’agit donc seulement d’un droit d’introduire une demande). Enfin, lorsqu'un employeur est tenu de dispenser une formation à un travailleur pour l'exécution du travail pour lequel il est employé, cette formation doit être dispensée gratuitement au travailleur, être considérée comme du temps de travail et, si possible, avoir lieu pendant les heures de travail.