29/05/14

Les allocations patronales dans le plan de pension en cas de licenciement : faut-il payer en tant qu’indemnité de préavis ou …

1. Principe

L’article 39 de la loi relative aux contrats de travail prévoit que pour le calcul de l’indemnité de préavis, il faut prendre en compte la rémunération en cours du travailleur, ainsi que les avantages acquis en vertu du contrat de travail.

Si l’allocation patronale dans un plan de pension est individualisée ou individualisable, ce qui est la plupart du temps le cas, celle-ci doit, selon la jurisprudence et la doctrine, être prise en compte pour le calcul de l’indemnité de préavis.

En pratique, il arrive fréquemment que l’allocation patronale soit retirée et versée / valorisée dans le plan de pension. Si par exemple l’indemnité de préavis correspond à 6 mois de rémunération, l’employeur verse (généralement en une prime unique) l’allocation patronale dans le plan de pension qui correspond à 6 mois de constitution de pension.

Cette manière de procéder peut s’avérer être intéressante aussi bien pour le travailleur que pour l’employeur : le travailleur garde ses droits à la pension durant la période couverte par l’indemnité de préavis, tandis que l’employeur peut profiter d’avantages fiscaux et parafiscaux avantageux. Les allocations patronales ne sont pas seulement déductibles fiscalement, elles sont en outre soumises à de plus faibles cotisations sociales que celles applicables à l’indemnité de préavis.

Cependant, la combinaison d’une législation sur les pensions plus sévère et d’un récent jugement du tribunal du travail de Bruxelles (du 14 octobre 2013) risque de rendre cette pratique impossible.

2. Que nous apprend le jugement du tribunal du travail de Bruxelles?

Les faites peuvent être résumés comme suit :

  • Au moment du licenciement, l’employeur a informé la travailleuse licenciée du montant de l’indemnité de préavis octroyé. L'employeur a de plus informé la travailleuse concernée du fait qu’une prime unique serait versée dans l’assurance hospitalisation ainsi que dans le plan de pension qui a été souscrit par l’employeur sous la forme d'une assurance de groupe. Cela permettait en effet à la travailleuse de pouvoir activement accumuler des droits dans le plan de pension au cours de la période couverte par l'indemnité de préavis et de rester couverte par l’assurance hospitalisation.
  • La travailleuse conteste le montant de l’indemnité de préavis et exige que les allocations patronales à l’assurance groupe et à l’assurance hospitalisation soient pris en compte dans la base de calcul de l’indemnité de préavis.
  • L’employeur refuse. Il justifie sa décision en premier lieu sur base des dispositions du règlement d’assurance groupe qui prévoient que l’assurance groupe est poursuivie durant la période couverte par l’indemnité de préavis et est financée par le biais d’une prime unique. De plus l’employeur argumente que le contenu du règlement d’assurance groupe était opposable à tous les travailleurs. L’employeur n’a cependant pas d’arguments spécifiques en réponse à la prime unique relative à l’assurance hospitalisation.
  • Selon l’employée, le règlement d’assurance groupe ne lui est pas opposable dès lors qu’elle n’y était pas partie. Selon elle, le règlement viole l’article 39 de la loi relative aux contrats de travail. Cela signifie selon elle que les allocations patronales à l’assurance groupe doivent également être prises en compte dans la base de calcul de l’indemnité de préavis en plus du versement de ces montants dans l’assurance groupe. Elle estime également qu’elle n’a jamais eu la possibilité de renoncer au droit à une indemnité de préavis comprenant le montant des primes dans l’assurance groupe et elle souligne qu’elle a clairement exprimé son refus à la poursuite des versements.
  • Puisque l’employeur semble refuser de procéder à un « double paiement », la travailleuse porte l’affaire devant le tribunal du travail de Bruxelles.

En premier lieu, le tribunal du travail confirme la jurisprudence selon laquelle les primes patronales à un plan de pension doivent être intégrées dans la base de calcul de l’indemnité de préavis.

Le tribunal s’en réfère par la suite, à la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère que l’article 39 de la loi relative aux contrats de travail constitue une disposition impérative à laquelle il ne peut être dérogé au préjudice du travailleur.

En effet, le droit à l’indemnité de préavis naît au moment de la rupture. Avant, le travailleur ne peut valablement y renoncer. Il ne peut donc pas être valablement décidé à l’avance que les primes patronales ne sont pas incluses dans l’indemnité de préavis et que celles-ci seront payées directement dans le plan de pension.

Dans la présente affaire, le tribunal du travail arrive à la conclusion que l’employeur a méconnu l’article 39 de la loi relative aux contrats de travail en versant directement les primes patronales au plan de pension/hospitalisation, conformément au règlement de pension et en ne tenant pas compte de la demande de la travailleuse de prendre en compte les primes patronales dans l’indemnité de préavis. Que de ce fait, l’employeur doive payer deux fois et que par conséquent que la travailleuse passe deux fois à la caisse, ne change rien pour le tribunal.

Le tribunal du travail repousse l’argument de l’employeur selon lequel le plan de pension fait partie du contrat de travail individuel. Le simple référence dans le contrat de travail à l’existence d’une assurance groupe ne suffit pas, selon le tribunal du travail, à considérer que le contenu du règlement d’assurance groupe fait partie intégrante du contrat de travail. En ce qui concerne le maintien de l’assurance hospitalisation durant la période couverte par l’indemnité de préavis, le tribunal du travail remarque que l’employeur ne produit aucun document qui justifie la poursuite du versement des contributions.

Le tribunal du travail affirme enfin que même à supposer qu’il soit établi que le contenu du règlement d’assurance groupe fasse partie du contrat de travail, l’employeur ne pourrait invoquer ce règlement afin de ne pas prendre en compte le montant des primes de la base de calcul de l’indemnité de préavis. Compte-tenu du caractère impératif de l’article 39 de la loi relative aux contrats de travail, la travailleuse ne pouvait en effet valablement donner son accord au sujet de la prise en compte ou non des primes patronales dans l’indemnité de préavis et la valorisation de celles-ci dans le plan de pension qu’au plus tôt au moment de son licenciement.

3. Comment procéder dorénavant?

Si vous souhaitez verser / valoriser la période couverte par l’indemnité de préavis dans le plan de pension de vos travailleurs (licenciés), cela n’est pas sans risque. Sur base de la jurisprudence précitée, il n’est pas exclu que votre travailleur licencié essaye de recevoir la contribution deux fois aussi bien son indemnité de préavis que dans le plan de pension.

Les éléments suivants peuvent vous aider à diminuer ce risque :
1. Tout d'abord, il est important que la poursuite de la constitution de pension durant la période couverte par l’indemnité de préavis soit expressément prévue dans le règlement du plan de pension. A défaut, les primes patronales destinées à cet effet ne sont pas déductibles au titre de frais professionnel.

2. Ensuite, les clauses dans le règlement de pension doivent être soigneusement et clairement formulées. La prise en compte de la prime patronale dans l’indemnité de préavis et le versement / valorisation de celle-ci dans le plan de pension doivent former un “vase communicant”: si le montant est pris en compte dans l’indemnité de préavis alors celui-ci ne doit plus être versé / valorisé dans le plan de pension et vice versa.

Lors de la rédaction des clauses vous devez d’une part pendre en compte les dispositions impératives de la loi sur les contrats de travail. Si la clause du règlement de pension n’est pas valable, il est possible que le travailleur ne veuille pas signer une transaction et qu’il essaye de passer deux fois à la caisse. D’autre part, il ne faut pas perdre de vue les risques qui découlent du simple fait que l’affilié dispose du choix. La possibilité pour le travailleur d’opter ou non pour une constitution de pension implique en effet un risque de requalification en rémunération, aussi bien d’un point de vue fiscal qu’au regard de la sécurité sociale.

3. Finalement, nous vous rappelons qu'il convient de prendre en compte les procédures obligatoires relative à la consultation et information lorsque vous envisagez de changer le plan de pension.

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