Le Conseil d’Etat vient de valider une sanction disciplinaire majeure (démission d’office), prise à l’encontre d’un agent pour des manquements répétés liés à son assuétude à l’alcool.
De manière inédite, la Haute juridiction administrative était invitée à examiner la question sous l’angle de la discrimination sur la base de l’ « état de santé actuel ou futur » du requérant.
Les faits
En raison de son assuétude à l’alcool, un agent suscite de nombreux motifs d’insatisfaction dans l’exercice de ses fonctions : arrivées tardives, absences impromptues, attitude négative au travail, etc. Pendant plusieurs années, l’autorité multiplie les démarches pour tenter de lui faire prendre conscience des difficultés rencontrées. Elle lui fait des propositions individualisées en vue de remédier à la situation : évaluations et entretiens réguliers, rappels à l’ordre, propositions d’adapter ses plages horaires ou de travailler à mi-temps,… En vain.
Suite à un incident, lors duquel l’agent a agressé dans un état d’alcoolémie diverses personnes de l’administration, l’autorité décide d’entamer une procédure disciplinaire. Celle-ci aboutira à une décision de démission d’office de l’agent.
Dans sa décision, l’autorité ne se fonde pas seulement sur cet incident, mais plus globalement sur l’absence d’amélioration dans le comportement de l’agent et sur son attitude négative vis-à-vis de ses collègues et de l’administration en général.
La décision du Conseil d’Etat
L’agent conteste la décision au motif que la sanction serait fondée sur son état de santé et, partant, discriminatoire. Il estime que l’autorité a violé le principe de proportionnalité, dans la mesure où il a fait l’objet, jusqu’à cette décision, d’une "tolérance" et de mises en garde de l’autorité, mais jamais d’une sanction. L’autorité n’aurait donc pas respecté le principe de "gradation des sanctions".
Pour le Conseil d’Etat, la sanction n’est pas discriminatoire, dès lors qu’il ressort du dossier que :
- L’assuétude à l’alcool avait des répercussions sur la manière de servir de l’agent ;
- L’autorité avait tenté d’aider l’agent et lui avait fait des propositions individualisées ;
- L’agent lui-même n’avait pris aucune initiative pour se ressaisir.
L’existence d’une assuétude ne peut conduire à offrir à l’agent une immunité sur le plan disciplinaire.
Concernant l’appréciation de la gravité des faits, l’autorité pouvait retenir à charge de l’agent des faits qui, pris isolément, n’appellent pas nécessairement une sanction disciplinaire, mais dont la répétition et la persistance dans le temps démontrent que l’agent ne s’amende pas. La tolérance, même prolongée, dont a fait preuve l’autorité ne l’empêche pas d’entamer des poursuites disciplinaires, en considérant que la réitération des manquements nuit à l’image du service et au travail de ses collègues, en sorte que le lien de confiance est rompu.
Enfin, le Conseil d’Etat accepte que l’autorité puisse se fonder sur des faits datant de plus de 6 mois. Lorsque l’ensemble des faits reprochés constitue un manquement continu, la prescription de ces faits ne commence en effet à courir qu’au moment de la constatation du dernier d’entre eux.
Que retenir ?
L’assuétude à l’alcool ne constitue pas une cause d’impunité disciplinaire. Les manquements commis par l’agent sous l’influence de l’alcool peuvent être sanctionnés.
Une telle sanction ne constitue pas une discrimination dès lors que l’autorité est en mesure de démontrer qu’elle a tenté d’aider l’agent et lui a proposé des solutions, auquel l’agent s’est néanmoins abstenu de donner suite.
La tolérance dont aurait fait preuve l’autorité ne l’empêche pas de prendre ultérieurement une sanction, en se fondant sur le caractère continu des manquements et négligences qu’elle constate.
Source : Conseil d’Etat, 5 novembre 2019, n° 245.981, Meurice